Les mesures de déconfinement nous ont laissés pantois. Outre le fait que l’on a l’impression (le mot est faible) d’assister à une allocution qui présentait uniquement un plan de remise au travail, nous avons été saisi par la rapidité avec laquelle les phases de ce “plan” sont censées se succéder. Le virologue Marc Van Ranst, notamment, appelle à un minimum de 15 jours entre les différentes phases, puisque les effets du coronavirus ne se remarquent sur les statistiques qu’après cette période de temps… 1 Le gouvernement ne prévoit qu’une semaine entre les phases. Rappelons, par ailleurs, que la première Ministre a eu le culot de déclarer que “Des activités ont cessé alors que ce n’était pas forcément nécessaire. Il est possible de travailler dans le respect des règles énoncées »2, alors même que 85% des entreprises contrôlées en Belgique ne respectaient pas les normes sanitaires 3. Quand on vous disait qu’il n’y avait que l’économie et sa relance dans leur champ de vision…
Et puis il y a eu ce circulaire du gouvernement, adressé aux hôpitaux, dont la teneur a été révélée il y a quelques jours dans la presse4. Alors que le déconfinement commence à peine, le gouvernement explique qu’il faut s’attendre et se préparer à une deuxième vague épidémique. Celle-ci pourrait avoir jusqu’à deux fois l’ampleur de celle que nous avons vécue. Le circulaire prévoit donc un plan pour que les hôpitaux puissent encaisser cette seconde vague, ce qui demande notamment que le nombre de lits affectés au traitement du COVID-19 augmente. Ce qui signifie que le nombre de lits attribués au reste des soins devra baisser, alors même que nous manquons de matériel, d’effectifs et surtout de financement dans le secteur de la santé.
De plus, il paraît évident que l’épidémie a surmené l’ensemble du personnel soignant encore davantage que la situation habituelle (qui, rappelons-le encore, n’est pas des plus simples, en témoigne les nombreuses actions de la santé en lutte sur l’année écoulée). Le personnel doit donc être au bord du burn-out. Une infirmière en chef aux soins intensifs d’un hôpital louvaniste affirmait d’ailleurs, à propos d’une seconde vague potentielle, que les soignant·e·s ne pourraient pas l’assumer5. On ne peut qu’avoir une pensée pour eux et elles, qui se démènent malgré le fait que la Belgique ne leur offre que de maigres applaudissements en guise de réconfort.
Dans toute cette histoire, on se demande à quoi joue le gouvernement. Seraient-iels tout simplement en train de remettre en question la stratégie du confinement, trop coûteuse à l’économie? Au vu de ce qui précède, nous avons de plus en plus l’impression que le déconfinement consiste en fait en un abandon de cette stratégie pour un passage à celle dite d’immunité collective car les mesures nous mènent droit vers une deuxième vague qui nécessiterait un reconfinement, si l’on continue d’employer cette stratégie. Selon l’Institut Pasteur, l’immunité collective nécessiterait qu’environ 70% de la population ait contracté le virus pour que le reste soit protégée, uniquement dans le cas où la contraction du virus immunise les personnes touchées après qu’elles soient remises de la maladie6. Ce qui est encore loin d’être prouvé scientifiquement.
Illustration : Koen Geens (Ministre de la Justice et vice premier ministre), incapable d’enfiler un masque.
(5)https://www.rtbf.be/info/regions/detail_on-ne-pourra-pas-assumer-une-2e-vague?id=10490332
(6)https://www.pasteur.fr/fr/espace-presse/documents-presse/qu-est-ce-que-immunite-collective