Témoignage d’un coursier chez Deliveroo

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“Pour commencer, ce qu’il faut saisir chez Deliveroo, c’est que nous ne sommes pas payé·e·s à l’heure mais à la commande. Il existe deux statuts différents : les indépendant·e·s, qui sont rémunéré·e·s selon la distance et la durée présumée de leur commande, et les P2P, payé·e·s une somme fixe par commande. Pour les livreur·euse·s à vélo à Bruxelles, d’après l’expérience de coursier·ère·s, une commande rapporte en moyenne environ 5€ à un·e indépendant·e là où elle rapporte 5€32 à un P2P. Rappelons ici que le statut des P2P est particulier : ils ne peuvent dépasser les 6300€ de recettes par an.

Quand tout se passe pour le mieux, il est possible d’effectuer jusqu’à 3 ou 4 commandes par heure lors des quelques premières heures de livraisons. Au long de la journée, vos jambes fatiguent et vous tombez assez mécaniquement à un maximum de 2 ou 3 commandes par heure. Ce n’est déjà pas forcément glorieux. Mais rappelez-vous qu’un certain nombre de faits empêchent, la plupart du temps, que tout se passe pour le mieux. En effet, nous ne pouvons évidemment décider ni de la fréquence des commandes émises par les client·e·s, ni du nombre de coursier.ère.s assigné·e·s à notre zone géographique pendant nos shifts, ni du temps que mettra le/la restaurateur·trice à nous fournir la commande une fois arrivé au restaurant. Il nous arrive donc régulièrement de perdre 10 ou 15 minutes par commande parce que la commande est prête en retard. Il nous arrive aussi de livrer une commande et d’ensuite devoir attendre une bonne dizaine de minutes avant d’en recevoir une nouvelle. Comble, il arrive même que Deliveroo nous envoie chercher une commande dans un restaurant qui est… fermé. Enfin bref, nous tombons régulièrement à une (ou parfois 2) commandes en une heure, ce qui correspond à un revenu entre 5 et 10€.

Tout cela, c’est sans mentionner que les conditions météorologiques peuvent nous ralentir (et nous frigorifier) lourdement, que nous ne sommes pas protégé·e·s en cas d’accident et surtout que nous ne savons pas plus de deux semaines à l’avance le nombre d’heure(s) que nous allons pouvoir prester sur la semaine.En effet, chaque jour est divisé en plusieurs shifts d’une heure ou une heure trente et, tous les lundis, nous pouvons choisir nos shifts pour la semaine suivante, si tant est les shifts qui nous arrangent n’ont pas été pris par d’autres coursier.ère.s plus rapides. Pour en ajouter à la perversité de ce système, plus un.e coursier.ère a été régulier.ère dans les dernières semaines (ne pas annuler de commande, ne pas annuler de shifts, …), plus iel peut choisir ses shifts tôt le lundi, et donc, mécaniquement, plus iel a de chance de sélectionner les shifts qui l’arrangent. L’inverse est vrai aussi. Pour prendre un exemple tout simple, un père ou une mère de famille qui a dû annuler deux shifts une semaine pour des urgences (mettons un problème de santé de l’enfant), peut se retrouver sans shift les semaines suivantes parce qu’iel n’a pas été assez régulier et qu’iel s’est donc retrouvé le lundi devant une grille de shift déjà complète (vous ne croyiez quand même pas niaisement qu’il y allait avoir assez de shifts pour tout le monde, si ?). Pas de shift pendant une semaine, pour certain·e·s, cela signifie aucun revenu pendant une semaine…

Allez, un dernier argument pour prouver que Deliveroo est une plateforme dégueulasse ? En nous faisant passer pour des indépendant·e·s, ils ne nous fournissent ni le vélo, ni le smartphone, ni la 4G, ni l’équipement nécessaire à la livraison. Enfin, parfois ils font des réductions sur une partie de l’équipement. Vous voyez, ils ont un cœur dans le fond.

Un coursier en colère. »

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