C’est après plusieurs confrontations et dénis mensongés de l’institution policière qu’on apprend finalement que la police belge a bien utilisé une technologie de reconnaissance faciale illégale, le logiciel Clearview AI. Le mercredi 6 octobre 2021, la ministre de l’intérieure Annelies Verlindin (CD&V) déclarait l’usage illégale du logiciel américain, d’après un rapport du COC (organe de contrôle de l’information policière) [1].
Clearview AI est un logiciel de reconnaissance faciale qui utilise une base de donnée de plus de dix milliards [2] de photos volées en grande partie sur les réseaux sociaux [3]. Via cette énorme base de données biométriques (techniques qui servent à identifier un individu via ses caractéristiques physiques), l’algorithme vient comparer les photos entre elles pour identifier un individu à partir d’une photo prise via une caméra de surveillance ou un smartphone [4].
En 2020, via une fuite de donnée de Clearview AI, le média Buzzfeed révélait quelques 2000 client.s secrets de la société américaine. La police fédérale belge, citée par Buzzfeed, avait été questionnée sur l’usage du logiciel illégal, elle répondait qu’elle « n’utilisait pas » le logiciel [5]. Un an plus tard, dans une nouvelle fuite de donnée révélée à nouveau par Buzzfeed, on retrouve encore une fois la police fédérale belge cette fois clairement identifiée comme cliente de l’entreprise. A nouveau questionnée sur la fuite de données et l’usage du logiciel, la police niait et affirmait encore qu’elle ne l’utilisait pas.
Selon la fuite, les forces de l’ordre auraient effectué entre 105 et 500 recherches dans le logiciel [6]. Ce n’est que début octobre que Mme Verlinden reconnaissait enfin l’usage illégal du logiciel dans la police. Cet évènement, en plus de mettre en lumière les usages et moyens abusifs policiers, a de quoi nous inquiéter dans l’avancement des stratégies de surveillance de l’Etat. Au moment où la ministre de l’intérieur reconnaissait les faits, une résolution non-contraignante était votée au parlement européen permettant l’usage, dans un certain cadre, de ce type de logiciel [7].
Un pas de plus vers la surveillance généralisée, un de moins vers la sauvegarde de nos vies privées. Les villes belges sont de plus en plus « connectées » et adaptées à la surveillance des masses (en témoigne l’augmentation importante des caméras de surveillance dans l’espace public). L’usage de la reconnaissance faciale n’est que la suite logique de la croissance des dispositifs sécuritaires, et les récentes activités du Parlement européen, laissent croire que la légalisation et la généralisation de ce type de logiciel approchent pas à pas.
En plus d’être des atteintes assez flagrantes à la vie privée et de créer un climat de suspicion permanent, les caméras ont un désavantage régulièrement oublié dans le débat public : elles confèrent un pouvoir démesuré à l’Etat. En effet, un dispositif qui permet d’épier pratiquement les moindres faits et gestes des habitant·e·s dans l’espace public peut s’avérer extrêmement dangereux pour celles et ceux-ci. Aux mains d’un Etat autoritaire, cela peut devenir une arme de contrôle et de surveillance jamais égalée dans l’histoire.
Puisqu’il paraît évident qu’un gadget de surveillance en engendre toujours un autre, plus puissant et plus sophistiqué, la question se pose simplement : allons-nous accepter la dangereuse et continuelle fuite en avant des systèmes de vidéosurveillance ? Désirons-nous d’un monde où il n’est plus possible de bouger sans être vu et reconnu ? Qu’attend-t-on pour dire non ?
SOURCES :
https://www.lesoir.be/…/reconnaissance-faciale-la… [1],[3],[4],[5],[6], [7]
referer=%2Farchives%2Frecherche%3Fdatefilter%3Dlast5year%26sort%3Ddate%2520desc%26word%3Dclearview [2]
https://www.lesoir.be/…/grand-format-le-delit-de-sale…
https://www.lesoir.be/…/la-reconnaissance-faciale-au…?
https://francais.rt.com/…/91406-police-belge-a-bien…
Photo : Jaspe Jacobs