Frank Vandenbroucke, ministre belge de la santé, a récemment mis sur la table un projet de loi qui a fait grincer des dents de tous les côtés de l’échiquier politique. Le but est simple : ancrer la gestion des crises sanitaires dans la loi et armer le pays contre les pandémies futures.
Après presqu’un an de crise Covid, une chose est certaine : la Belgique n’est absolument pas prête à affronter des crises sanitaires. Pourtant, de nombreuses épidémies se profilent à l’horizon : les raisons de l’apparition et de la rapidité extrême de la propagation de coronavirus risquent de causer d’autres maladies. Sans entrer dans les détails, le coronavirus, comme de nombreux autres virus, provient d’animaux sauvages; lorsque ce type de virus atteint l’homme, on dit qu’il a “franchi la barrière de l’espèce”. Or, la seule manière qu’un virus franchisse la barrière de l’espèce, c’est que l’homme soit en contact avec l’animal sauvage porteur de virus. C’est ici que nous pouvons affirmer que la destruction accélérée des habitats sauvages est la cause principale de la multiplication récente des épidémies : cette destruction oblige les animaux à se rapprocher de nous et à vivre à notre contact (1).
Ensuite, la propagation rapide de la maladie est dûe à des raisons biologiques (le virus se propage très facilement) mais le système capitaliste dans lequel nous vivons n’est pas étranger à cette propagation endiablée : il promeut les déplacements à outrance ainsi que les flux de marchandises et d’humains, ce qui permet au virus de circuler. Or, en ce qui concerne le franchissement de la barrière des espèces, c’est aussi dans le capitalisme que réside (en grande partie) le problème : la destruction de la biodiversité et des zones encore sauvages, le remplacement de ce qui a été détruit par du béton, l’entassement des animaux qui permet le passage de virus entre-eux puis vers l’humain, … Tout est accéléré par le capitalisme (1).
Revenons-en au projet de Vandenbroucke. Ce dernier veut étendre les pouvoirs du Ministre de la Santé (en l’occurrence, lui) en cas de pandémie (en l’occurrence, maintenant). L’idée est de permettre au Ministre d’interdire que des médicaments quittent le territoire, mais aussi « interdire, réglementer et contrôler », l’importation, la fabrication, la possession, l’utilisation, la vente ou l’exposition de produits et d’équipements de protection individuelle. Il est aussi question de permettre au gouvernement de réquisitionner des entreprises et des employés pour produire des médicaments. Dans l’idée, nous ne sommes pas forcément opposés à ce genre de mesures. Ce qui pose problème, c’est plutôt que “s’armer contre les pandémies”, selon nous, ce n’est pas permettre au gouvernement d’y réagir un peu plus rapidement. Non, pour s’armer contre les pandémies, il faut remettre en question le capitalisme dans sa globalité, protéger les espèces et les espaces, repenser notre utilisation de la viande, …
Par ailleurs, pour armer la Belgique à réagir aux pandémies, il nous faut réinvestir massivement dans le secteur de la santé (dans les infrastructures, dans le matériel et dans le personnel). Enfin, l’idée d’étendre les pouvoirs d’un ministre en cas de crise confirmée par le gouvernement nous déplaît; il deviendra possible au gouvernement de prendre des mesures dignes des pouvoirs spéciaux sans passer par la procédure en vigueur (le Parlement peut voter l’octroi des pouvoirs spéciaux au gouvernement en cas de crise, ce qui lui permet temporairement de travailler sans avoir besoin de l’aval des parlementaires).
En définitive, on s’aperçoit donc que Vandenbroucke n’a pas retenu les leçons de la crise que nous vivons. Il croit encore à la possibilité de réguler les crises par des demi-mesures. Il est pourtant impératif de refinancer globalement le secteur de la santé en Belgique et de sortir de la logique capitaliste pour prévenir des crises futures.
(1)https://www.monde-diplomatique.fr/2020/03/SHAH/61547 (2)https://www.dhnet.be/…/requisitionner-les-entreprises…(3)https://www.msn.com/…/interdictions-d…/ar-BB1dja4B…
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