Ce mardi, la Ministre de l’environnement du Grand-Duché du Luxembourg faisait part de son inquiétude quant au projet de l’enfouissement de déchets nucléaires du gouvernement belge. Il a donc fallu attendre qu’une alerte soit lancée par une Ministre d’un pays voisin pour que l’on découvre véritablement ce projet, qui pourrait avoir des retombées néfastes sur l’environnement. Une énième preuve du manque de transparence de notre gouvernement, et des incohérences de notre Ministre nationale de l’Energie, Marie-Christine Marghem.
Cette sortie dans la presse a fait l’effet d’une bombe : nombres de Bourgmestres de la Province du Luxembourg (province sur laquelle porte le projet) se sont étonné·e·s de ne pas avoir été prévenu·e·s par le gouvernement. Pour cause : “C’est tout simplement un Bourgmestre luxembourgeois qui nous a contactés en nous disant qu’il était très inquiet par rapport à cette enquête publique en cours” raconte Nicolas Stimant, Bourgmestre de Fauvilliers (1). Il est vrai que cette enquête publique (qui, rappelons-le, est obligatoire dans le cadre de la gestion des déchets nucléaires en Belgique) est passée relativement sous les radars en cette période de confinement. Elle a pourtant démarrée le 15 avril, dans la plus grande discrétion, et doit prendre fin le 13 juin. Par ailleurs, une consultation publique sur un sujet aussi technique devrait être accompagnée d’un dossier présentant les pour et les contre d’une manière un tant soit peu objective; elle a pourtant lieu sur le site même de l’ONDRAS (Organisme Belge des Déchets Radioactifs), qui présente son projet le stockage géologique comme étant la seule option viable (“pas d’alternative raisonnable”) (2).
L’enfouissement des déchets nucléaires, qui coûtera entre 8 et 10 milliards (3), posent plusieurs questions. D’abord, celle de la viabilité de cette méthode pour gérer les déchets nucléaires accumulés par la Belgique. Elle présente plusieurs risques majeurs : la moindre fuite dans radioactive dans un sous-sol peut entraîner de graves dommages sur la potabilité de l’eau, mais, surtout, cet enfouissement est irréversible et ce pour des centaines de milliers d’années. L’on est en droit de se demander comment le message “pas toucher, danger de mort” pourra être transmis avec certitude sur des dizaines de millénaires aux générations futures. L’autre question que pose la gestion des déchets nucléaire est, bien-sûr, la production de l’énergie qui les génère. Il est inutile de rappeler ici les catastrophes gravissimes que cette dernière peut provoquer; par contre, il semble important de souligner que les accidents plus légers sont extrêmement fréquents : on en recense 4 en France depuis … le 4 mai (4). Pas plus tard que l’été dernier, d’ailleurs, un scandale éclatait chez nos voisin·e·s à cause de la découverte d’une contamination radioactive anormalement élevée de la Loire, dans laquelle plusieurs importantes villes de France puisent leur eau potable (5). Du côté Belge, 3 des 7 réacteurs nucléaires belges ont dépassé l’âge limite de 40 ans et ne sont pas prêts de s’arrêter…
La sortie du nucléaire ne semble pourtant pas être dans la tête des politiques belges qui, d’année en année, repoussent les limites, préférant rafistoler des centrales plutôt que de les mettre à l’arrêt et réfléchir à un après-nucléaire. L’enfouissement des déchets pourrait constituer un dangereux précédent dans la tête de nos décideur·se·s, surtout s’il est passé sous silence, sans opposition aucune. Il est donc de notre devoir de réfléchir sérieusement à la question, comme l’ont fait les gens de Bure, et de poser dès maintenant les jalons de la sortie du nucléaire en Belgique.
(2)https://www.ondraf.be/sea2020
(4)https://plus.lesoir.be/181012/article/2018-09-28/8-ou-10-milliards-pour-stocker-les-dechets-nucleaires(5)https://blogs.mediapart.fr/soutien-parti-e-de-campagne/blog/040719/loire-une-contamination-radioactive-anormalement-elevee-mesuree-saumur