Le 10 avril 2020, Adil tente d’échapper à un contrôle policier en scooter. Après une course-poursuite dans Anderlecht, une voiture de police qui arrive en sens inverse entre en collision avec Adil, qui perd la vie. Dans la version policière, Adil se serait lui-même déporté de sa bande, provoquant la collision. Pourtant, une longue enquête journalistique de « Demorgen », appuyée par des recherches d’experts automobiles, avait avancé que la voiture de la police s’était déportée pour percuter volontairement le scooter.
D’autres révélations allaient dans ce sens, notamment le fait qu’un témoin aurait entendu « on l’a eu, on l’a percuté », dans le talkie-walkie d’autres policiers. Le parquet avait pourtant demandé un non-lieu (c’est-à-dire pas de procès) pour les policiers, quelques mois plus tard, parce que la version policière réfutait tous ces arguments. Cependant, hier, le dossier devait passer devant la Chambre du conseil (qui décide si un procès aura lieu ou non). De nouveaux éléments accablants ont forcé le report de la plaidoirie au 5 septembre 2023.
L’inspecteur au volant lors de la collision est accusé par ses collègues de s’être vanté « d’en avoir sorti un de la rue »1, en parlant d’Adil. Une policière explique « Les trois quarts de ses hommes sont venus me trouver pour me dire que l’intéressé tenait des propos pour le moins interpellant par rapport au décès du jeune Adil. Je précise que ce ne sont pas juste les hommes de son équipe, mais une grande partie des policiers du commissariat qui font état de ces propos »1.
Au delà de cette affaire, l’inspecteur se serait vanté d’avoir déjà tué. Il est aussi ciblé plus généralement pour racisme, sexisme et harcèlement psychologique. Ainsi « plusieurs remarques déplacées et racistes concernant l’incident de la mort du jeune Adil dans lequel l’inspecteur principal a été impliqué ont été faites sans aucune gêne et de façon répétitive par l’intéressé »1. Par ailleurs, le même inspecteur aurait eu des comportements racistes, xénophobes et sexistes à l’encontre des membres de sa propre équipe.
La policière, qui a souligné ceci dans un rapport administratif, insiste aussi sur l’absence de réaction de la hiérarchie. L’un des commissaires de la Zone de Police Midi était au courant « et a cautionné le comportement de l’inspecteur de police durant toute la durée de sa fonction au sein de notre unité ». Pour défendre l’inspecteur, le chef de la zone explique qu’il n’a fait l’objet d’aucune plainte pour racisme et que « c’est […] un beauf comme on dit dans le jargon, mais c’est un excellent policier qui a même été récemment promu »1.
Le parquet n’a fait aucun commentaire sur ces nouveaux éléments malgré les sollicitations et continue à demander le non-lieu pour les policiers inculpés. Leur avocat, Sven Mary, dénonce une violation du secret de l’instruction et remet en doute la crédibilité des informations (qui proviennent des collègues de l’inspecteur). L’avocat de la famille d’Adil, Alexis Deswaef, souligne que « ces faits de racisme étaient visiblement connus et dénoncés en interne au sein de la zone de police et qu’ils sont également visés dans le dossier de la mort d’Adil ».
Cette affaire démontre une nouvelle fois les tendances structurelles au racisme, au sexisme et à l’omerta au sein de la police. Si nous reconnaissons le courage des policier·ères ayant dénoncé les pratiques de l’inspecteur, il est regrettable que ces informations soient sorties après tant de temps, de lutte et de souffrance pour la famille d’Adil. Il est aussi regrettable que le chef de la Zone de Police Midi balaye les accusations d’un revers de main. Sous la pression médiatique, il a néanmoins décidé de saisir le comité P*. Soulignons aussi que la policière qui a dénoncé le racisme de l’inspecteur fait elle aussi l’objet d’un dossier pour racisme.
* organe de contrôle des services de police