
Plus de 100 jours. Plus de 100 jours que toute l’horreur du monde, celle d’un génocide soutenu par l’Occident, premier à se proclamer défenseur des droits humains, massacre par dizaines de milliers de Palestinien·nes de la bande de Gaza. Jamais un État génocidaire, ne s’est autant vanté de massacrer, de détruire, d’aplatir la vie avec tant de cynisme. Jamais il ne l’a autant médiatisé, jamais il ne s’est autant filmé en le disant et en le faisant. C’est toute l’humanité qui tient dans une toute petite bande, ce petit territoire, où plus de 2 millions de personnes résistent avec toute la dignité du monde contre le colonialisme, le fascisme et l’impérialisme.
En 103 jours, près de 100 000 Palestinien·nes ont été tué·es, blessé·es ou ont disparu sous les décombres.1
Nous nous tenons maintenant nu·es devant l’histoire. C’est cette question qu’il faut se poser, celle que celles et ceux qui viendront après nous, qui dans 20 ou 30 ans, nous poserons : « Qu’avez-vous fait lorsqu’ils tuaient systématiquement nos frères et nos sœurs en Palestine ? Où étiez-vous quand vos pays occidentaux, qui ont fondé le colonialisme en Palestine, mis sans dessus-dessous tout le Proche-Orient et le monde, soutenaient à nouveau un génocide ? «
Nous le savons. Ce n’est pas la première fois que le colonialisme européen extermine. Finalement, pour lui, c’est presque une solution comme une autre à un problème colonial. Cependant, c’est la première fois qu’il le fait sous les yeux du monde, que son horreur est à ce point médiatisée et que le génocidaire s’en vante autant. Pourtant, aucune propagande coloniale ne saurait voiler la vue à quiconque sait regarder. Qu’importe son intensité d’islamophobie, de racisme et son instrumentalisation de l’antisémitisme. Nous savons ce qu’il se passe en Palestine. Nous connaissons ceux qui soutiennent et perpétuent l’entreprise génocidaire, et celles et ceux qui résistent.
Nous avons un rôle à jouer. Israël n’est rien sans l’appui des Etats-Unis et de l’Europe. Ce pion colonial, cet « avant-poste » de l’Occident, ne tiendrait pas 10 jours sans le soutien occidental, les livraisons d’armes et la dissuasion qu’opèrent les armées de l’Occident au Proche Orient. L’Union Européenne entretient des accords économiques bilatéraux avec Israël qui sont capitaux pour l’État colonial. Il est certain que demander à nos représentant·es d’arrêter le génocide est une perte de temps. Mais les forcer à travers un solide mouvement à rompre leurs relations économiques et diplomatiques n’est pas impossible. Il suffit que soutenir Israël devienne matériellement contraignant et éthiquement impensable. Nous ne sommes pas si loin.
Une position viable aujourd’hui, qui ne soit ni idéaliste, ni coloniale et pour une paix en Palestine, c’est celle de soutenir le peuple et la résistance palestinienne dans leur guerre de libération, jusqu’à ce qu’un État commun, égalitaire et multiconfessionnel puisse voir le jour. Le sionisme est une idéologie suprémaciste et coloniale, jamais elle ne pourra, ni ne voudra cohabiter avec le peuple palestinien.
Toutefois, ce que les palestinien·es et leur résistance n’ont cessé de nous enseigner tout au long de leur histoire, c’est leur ardeurrévolutionnaire et leur résilience. Malgré toute l’horreur que le colonialisme leur a infligé depuis près d’un siècle, il reste l’idée d’un jour, une fois libéré, cohabiter avec son ancien colon dans une Palestine décolonisée de la Mer au Fleuve.
Le peuple et la résistance palestinienne nous enseignent également leur force : après 75 ans de régime colonial, ils continuent à démontrer qu’ils n’abandonnent pas leur lutte déterminée pour une Palestine libérée. Les Palestinien·nes combattent comme les oliviers, « les pieds bien ancrés dans le sol en guise d’engagement profond en leur terre« 2. Ce lien d’un peuple colonisé à sa terre, qu’aucune armée coloniale, même la plus sophistiquée au monde, ne saurait défaire.
Une chose est sûre, ce que nous retiendrons, ce qui ne sera jamais oublié, c’est la haine. Comme seul langage, l’implacable volonté de détruire la vie. De l’autre côté, toute la dignité d’un peuple palestinien et de sa résistance qui se battent pour le plus juste des combats : pouvoir vivre dignement, disposer d’eux-mêmes et de leursterres volées depuis 75 ans par l’Occident, de la Mer au fleuve.
« Jusqu’à ce que la justice prévale
Et le bateau à Gaza navigue
Jusqu’au retour des réfugiés
Que l’humanité ait son tour
Jusqu’à ce que l’apartheid soit démantelé
Et nos oliviers sont replantés
Jusqu’à ce que le Phénix palestinien se lève
Triomphant de ses cendres
Gardez l’espoir vivant chaque jour
Nous vaincrons un jour
Du fleuve à la mer
La Palestine sera libre. »3
Extrait d’un poème du professeur palestinien Mazin Qumsiyeh, publié le 3 décembre 2023 à Bethlehem, traduit par Milady Renoir.
Crédit photo : « Un manifestant à Naplouse », 2021. Sakir
Khader.
Sources :
[2] Stratégie pour la libération de la Palestine, document fondateur du FPLP, 1969. Page 30.
[3] https://stuut.info/Gaza-poeme-reel-publie-sur-Popular-resistance-et-traduit-pour-la-plateforme-2931
