Palestine : le système colonial à la source de la violence

   

Samedi dernier, le Hamas lançait l’opération « déluge d’Al Aqsa », depuis la bande de Gaza. Le siège de Gaza a été brisé aux bulldozers, des colonies envahies par la terre, le mur d’apartheid franchi par les airs et des milliers des roquettes ont été tirées. Le Hamas a capturé des otages et massacré des civil·es. Israël a répondu par des bombardements soutenus, massacrant des civil·es, ainsi que par une intensification du siège gazaoui (coupage d’eau, d’électricité, et des arrivées de gaz). Ci-dessous, un bref retour historique, qui nous pousse à affirmer : les épisodes de cette semaine sont le résultat de décennies de colonisation en Palestine.

Entre 1923 et 1948, la Palestine était sous « mandat britannique » et une population juive s’y était installée, en suivant les théories sionistes. Les Palestinien·nes résistaient déjà contre le mandat britannique. Si le projet sioniste de création d’un foyer national Juif en Palestine restait minoritaire avant les années 1940 (même au sein des communautés juives), le judéocide* a joué un rôle de bascule. En 1947, l’ONU (dont la Belgique) vote le plan de partage qui conduira à la création de l’Etat d’Israël, alors que ce projet est rejeté par les représentant·es palestinien·nes et les nations arabes. Une guerre civile traverse le territoire. Israël en sort vainqueur en 1948 et élargit déjà ses frontières par rapport au plan de l’ONU. De là découle la Nakba (« catastrophe »), le déplacement forcé de 700 000 Palestinien·nes.

En 1967, Israël remporte la guerre des 6 jours contre l’Egypte, la Jordanie, la Syrie et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP). A nouveau, une partie du territoire palestinien est annexée. L’Etat d’Israël débute aussi l’occupation du plateau du Golan, un territoire syrien, qu’il occupe encore aujourd’hui, ainsi que la Cisjordanie et la bande de Gaza, territoires palestiniens. Les accords d’Oslo sont signés en 1993 par l’OLP et Israël, promettant une indépendance progressive de la bande de Gaza et de la Cisjordanie. Ces accords n’ont jamais été respectés ; ils ont plutôt été utilisés pour intensifier la colonisation de la Palestine.

Titre : Évolution de la colonisation en Palestine, source le monde

Concrètement, la Palestine est aujourd’hui répartie en deux territoires : la bande de Gaza et la Cisjordanie. Depuis les accords d’Oslo, la Cisjordanie est divisée en 3 zones : A, B et C. La zone A (18% de la Cisjordanie) est l’endroit où s’exerce « l’autonomie palestinienne ». Cette autonomie est toute relative, puisque l’armée israélienne fait des incursions récurrentes dans la plupart des territoires de la zone A. La zone B (21%) est sous contrôle militaire israélien, mais sous responsabilité civile palestinienne. Enfin, la zone C (61% de la Cisjordanie) est contrôlée exclusivement par Israël. La plupart des colonies en Cisjordanie se situent en zone C, certaines en zone B.

Pour finir, la situation dans la bande de Gaza est particulièrement insoutenable. Si l’Etat d’Israël a retiré ses troupes armées en 2005, il a mis en place un blocus depuis 2007. 2,3 millions d’habitant·es ont donc un accès fortement restreint à l’eau potable, à l’électricité, et à d’autres denrées de première nécessité depuis 16 ans. Le « siège total » proclamé par Israël en milieu de semaine est donc le prolongement d’une politique de blocus déjà bien en place. Par ailleurs la bande de Gaza est sujette à des bombardements par vagues depuis le début du blocus, en 2007, et même avant. C’est aussi de là que partent la plupart des offensives palestiniennes des dernières années.

Titre : Colonisation de la Palestine : le bilan humain, sources Nations Unies @ Statista

L’Etat d’Israël met en place une politique d’apartheid, c’est-à-dire un « système d’oppression et de domination d’un groupe racial sur un autre, institutionnalisé à travers des lois, des politiques et des pratiques discriminatoires »1. L’apartheid est notamment reconnu par Amnesty International, Human Rights Watch et l’ONG israélienne B’Tselem, qu’on ne peut suspecter d’antisémitisme. L’ONU estime par ailleurs que  » les pratiques d’apartheid sont condamnées en tant que crime contre l’humanité »2. Les droits les plus élémentaires des Palestinien·nes sont niés depuis maintenant 75 ans.

L’occupation de la Palestine, la négation des droits des Palestiniens, le régime d’apartheid, … voici ce qui a provoqué l’offensive palestinienne samedi dernier. La résistance face au système colonial, même armée, est légitime. Nous condamnons avec fermeté les crimes de guerre commis par le H@mas, mais nous invitons à la fin du deux poids, deux mesures : les crimes de guerre israéliens doivent aussi être condamnés avec la plus grande fermeté, au même titre que la colonisation et l’apartheid. Soutien aux victimes de crimes de guerre, soutien aux victimes de la colonisation et de l’apartheid. Free Palestine.

Il est extrêmement difficile de résumer plus d’un siècle d’histoire en quelques paragraphes initialement dédiés à Instagram. Nous pensions pourtant que connaître l’histoire est nécessaire pour une paix juste et durable pour tous·tes. Nous vous conseillons notamment la série de podcast de France Culture « Les Palestiniens et la question palestinienne » qui constitue une bonne base pour se saisir de l’histoire de la Palestine.

Légende :

* Judéocide : le génocide envers des populations juives ; il a joué pour au moins pour trois raisons. Parce que de nombreux Juif·ves ont pensé que c’était nécessaire d’être protégé·es dans un État, parce la légitimité du projet sioniste au regard de la communauté internationale occidentale s’est accrue, enfin parce que de nombreux Etats européens ont été réticents à accueillir les rescapé·es du judéocide et ont poussé à leur établissement en Palestine.

Sources :

     Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid