Mouvements sociaux : Comme un air de 60 ?

   

L’hiver 1960-1961 restera gravé dans l’histoire sociale belge comme le moment où la classe ouvrière montra sa véritable force avant de perdre en combativité. Cette grève éclata contre la « loi unique » du gouvernement Eyskens, une offensive néolibérale déguisée qui tentait de moderniser l’économie sur le dos des travailleurs. Le 14 octobre 2025, plus de 140 000 personnes ont manifesté à Bruxelles à l’appel des trois grands syndicats contre la politique du gouvernement Arizona. Le gouvernement Arizona, dont on ne compte plus les attaques contre les droits sociaux… Les syndicats dénoncent un recul des droits sociaux, notamment la limitation dans le temps des allocations de chômage et la réforme des pensions. Cette offensive du gouvernement a donné lieu à mobilisation qualifiée d’historique et laisse présager d’autres futures actions majeures après la grève de 3 jours en novembre, qui pourraient dépasser le cadre traditionnel de la lutte syndicale.

65 ans plus tard, les attaques se répètent, mais le mouvement social et les syndicats semblent avoir perdu leur capacité de rupture. Comment en est-on arrivé là ? Retour sur l’histoire d’un mouvement qui, de la rue aux salles de concertation, a progressivement troqué sa force de frappe contre un siège à la table des négociations.

I. la grève de 1960-1961, dernier souffle d’une classe ouvrière combative

Comment la dernière grande révolte ouvrière belge révélait déjà les failles d’un syndicalisme en voie de neutralisation.

Durant l’hiver 1960-1961, la Belgique connut son explosion sociale la plus retentissante. Cette « grève du siècle » contre la loi unique du gouvernement Eyskens marqua un tournant dramatique : ce fut à la fois l’apogée de la combativité ouvrière et le prélude à sa neutralisation définitive par les mécanismes de la concertation sociale.

La « loi unique » était un plan d’austérité brutal : diminution de l’assurance-chômage, renforcement du contrôle médical, recul de l’âge de la retraite, augmentation de la fiscalité indirecte.

Face à cette attaque frontale, de nombreuses bases syndicales vont appeler à la grève générale en contournant leur propre direction nationale. Cette radicalité témoignait d’une époque où les syndicalistes osaient encore défier la direction bureaucratique syndicale quand l’intérêt des travailleur·euses l’exigeait. Dans certains cas, des représentant·es syndicaux hostiles au mouvement iront jusqu’à agresser physiquement d’autres délégué·es pour faire lever les blocages. André Renard, secrétaire national de la puissante centrale métallurgique FGTB, appela à la grève générale, et devient alors rapidement une figure du mouvement.

La géographie de la « résistance » révèle les fractures à venir

L’ampleur et la géographie de cette grève révélaient déjà les fractures qui allaient structurer le syndicalisme belge. Au sud du pays, dans le contexte du déclin économique wallon, l’appel de Renard fut massivement suivi. Toute la Wallonie s’arrêta de travailler.

En Flandre, qui bénéficiait des investissements de multinationales et s’ouvrait à de nouveaux horizons économiques, le suivi fut beaucoup plus timide, limité essentiellement à Anvers et Gand. Cette différenciation territoriale annonçait une évolution : celle d’un mouvement ouvrier qui allait progressivement perdre son caractère unitaire et combatif.

Un autre facteur qui entra en jeu fut le poids plus important de la CSC (Confédération des Syndicats Chrétiens), en Flandre, comparé à celui de la FGTB, syndicat socialiste, en Wallonie. Alors que la FGTB s’inscrit dans une logique de défense des droits sociaux héritée du socialisme, la CSC s’appuie davantage sur une conception de solidarité inspirée de la charité chrétienne. Cette fracture idéologique a par la suite jouer un rôle important dans l’histoire du syndicalisme belge.

Plus révélateur encore fut le comportement de la CSC lors de la grève de 1960. Malgré la participation de certains de ses membres aux actions de grève à Charleroi et Liège, la direction nationale prit ses distances, jugeant la grève « inutile et prématurée ». Le 27 décembre, le Comité national de la CSC se prononça carrément contre la grève, qu’elle estima « politique ».

Cette attitude préfigurait le rôle de pompier social que jouerait de plus en plus la CSC et la FGTB: éteindre les incendies sociaux plutôt que de combattre les pyromanes du capital.

L’aspect le plus frappant de cette grève fut la manière dont la base ouvrière dépassa ses propres organisations. Au lieu d’accompagner immédiatement cette dynamique, une partie des appareils syndicaux chercha au contraire à la contenir. Mais loin de se laisser intimider, les grévistes imposèrent leur rythme et forcèrent progressivement les fédérations et centrales de la FGTB à suivre le mouvement. Cette « perte de contrôle » révélait paradoxalement la vitalité du mouvement ouvrier de l’époque.

Les premiers arrêts de travail eurent lieu spontanément à Anvers et Charleroi. À la mi-décembre, toute la Wallonie et certains centres industriels flamands étaient à l’arrêt. Le 23 décembre, la grève était générale dans les bassins de Liège, du Borinage, du Centre et de Charleroi, puis s’étendit à Gand, Anvers, le Tournaisis et le Brabant wallon.

Cette capacité de la base à forcer ses dirigeant·es témoignait d’une époque où les organisations syndicales n’étaient pas encore coupées de leurs mandant·es*. Les travailleur·euses gardaient une autonomie de pensée et d’action que les appareils syndicaux n’avaient pas encore complètement étouffée. Cette vitalité de la base obligeait alors les directions syndicales à se plier, souvent malgré elles, au rapport de force imposé par leurs propres mandant·es.

En Wallonie, le mouvement prit rapidement un tournant politique plus radical. Certaines figures syndicales socialistes, menées par André Renard, revendiquaient des réformes de structure et le fédéralisme comme réponse à la reconversion industrielle de la région.

Cette dimension politique était fondamentale. Ils et elles avaient compris que face aux transformations du capitalisme international, les luttes uniquement revendicatives ne suffisaient plus. Il fallait remettre en cause les structures de pouvoir économique et politique qui condamnaient la Wallonie au déclin.

La crainte que les réformes wallonnes soient rejetées à cause de la domination démographique flamande, y compris dans les structures syndicales, poussa Renard vers des positions fédéralistes : défendre les ouvriers wallons face au patronat flamand. Cette vision témoignait d’une lucidité politique rare : comprendre que la question sociale ne pouvait être dissociée de la question des dynamiques territoriales.

Comme souvent, la réponse des autorités fut brutale. Les incidents violents se multiplièrent, culminant avec 1 mort dans les affrontements entre ouvrier·ères et policier·ères à Chênée. Une importante répression s’est alors abattue contre les grévistes.

Cette répression n’était pas accidentelle : elle visait à délégitimer un mouvement qui remettait en cause l’ordre patronal établi.

Vers la capitulation sociale ?

Le 13 janvier 1961, la Chambre adopta la « loi unique » malgré la mobilisation. Le 23 janvier, le retour au travail fut voté dans un contexte d’épuisement et de divisions croissantes. L’échec était patent : les travailleurs n’avaient rien obtenu de substantiel, si ce n’est la promesse de négociations futures.

Cet échec de concertation syndicale marquait la fin d’une époque où la classe ouvrière belge pouvait encore espérer imposer sa volonté par la force de la mobilisation. Désormais, tout passerait par les canaux institutionnels de la concertation sociale.

La grève de l’hiver 1960-1961 révéla tous les paradoxes du mouvement ouvrier belge. D’un côté, une base encore combative, capable de se mobiliser massivement contre l’injustice sociale. De l’autre, des directions syndicales déjà engagées dans une logique de gestion du système plutôt que de contestation du système.

Le plus tragique est que cette dernière grande mobilisation ouvrière portait en elle les germes de sa propre disparition. En effet, c’est précisément de cette grève du siècle que naîtront les mécanismes de concertation sociale qui, dans les décennies suivantes, transformeront les syndicats en co-gestionnaires du pouvoir plutôt qu’en porte-voix des révoltes sociales.

L’hiver 1960-1961 marqua ainsi la fin d’un cycle : celui d’un syndicalisme encore capable de dire non, de mobiliser, de résister. Ce qui suivra ne sera plus que l’ombre de cette combativité perdue.

II. quand le syndicalisme belge devient cogestionnaire

Comment un mouvement né dans la révolte ouvrière s’est progressivement mué en partenaire institutionnel de la concertation sociale

La grève de l’hiver 1960-61 fut une césure. Elle signa la fin d’une époque où les travailleur·euses pouvaient encore paralyser le pays pour imposer leurs revendications. Dès lors, le syndicalisme belge allait entrer dans une nouvelle phase : celle de la domestication par la concertation sociale.

En Belgique, la société fut longtemps organisée selon une logique de piliers (socialiste, chrétien et, dans une moindre mesure, libéral). Chaque pilier disposait de ses syndicats, mutuelles, coopératives, associations culturelles et même journaux. Cette structuration a certes permis aux classes populaires de s’organiser et de survivre dans un monde hostile, mais elle a aussi enfermé le syndicalisme dans un jeu d’alliances politiques et idéologiques qui allait limiter son autonomie et sa combativité.

Ainsi, la FGTB et la CSC (syndicat socialiste et syndicat chrétien) n’étaient plus seulement des instruments de lutte : elles devinrent aussi des courroies de transmission entre partis et travailleur·euses. Dès l’après-guerre, en participant à la gestion de la Sécurité sociale et aux mécanismes de concertation, elles furent reconnues comme partenaires incontournables du pouvoir. Mais cette reconnaissance avait un prix : la perte de radicalité.

De la grève générale au compromis permanent

Après 1961, les gouvernements belges évitèrent longtemps de reproduire la brutalité de la « loi unique ». Mais les crises économiques des années 1970 remirent la pression : désindustrialisation, fermetures d’usines, montée du chômage, politiques d’austérité.

Face à cela, les syndicats multiplièrent les mobilisations, mais de manière beaucoup plus encadrée et ritualisée. Les grandes grèves restaient impressionnantes par leur ampleur, mais elles s’inscrivaient de plus en plus dans un répertoire d’action codifié : manifestations massives mais contrôlées, négociations en coulisses, recherche du compromis. Le conflit ouvert fit place à une logique de gestion : obtenir des compensations, limiter les dégâts, négocier des « accords interprofessionnels ». L’arène de la lutte se déplaça progressivement de la rue vers les bureaux de la concertation sociale.

Cette intégration transforma profondément la nature du syndicalisme belge. Avec près de 3,5 millions d’affilié·es aujourd’hui, les syndicats belges figurent parmi les plus puissants d’Europe. Leur poids organisationnel est immense : ils assurent le paiement des allocations de chômage, participent aux organes de gestion de la sécurité sociale, siègent dans une multitude d’organes consultatifs.

Mais cette puissance institutionnelle se paie d’une faiblesse politique : incapables de mener des luttes offensives, les syndicats se retrouvent piégés dans la cogestion de l’exploitation capitaliste. Ils sont contraints d’assumer, aux yeux de nombre de leurs membres, les effets des politiques qu’ils prétendaient combattre.

Autrement dit : plus ils deviennent indispensables dans l’appareil institutionnel, moins ils sont capables de mobiliser la rue et affronter le pouvoir politique.

C’est à peu près la même dynamique qui s’est installée depuis le début de la nouvelle coalition gouvernementale Arizona. Alors que le gouvernement s’attaque frontalement à nos droits sociaux les plus élémentaires (pensions, chômage, allocations familiales, etc.), la stratégie qui semble se dessiner dans les directions syndicales est celle de la négociation douce, parsemée de grandes mobilisations nationales annuelles pour « maintenir » la pression, mais sans réellement établir de rapport de force.

À cette domestication s’ajoute un autre facteur d’affaiblissement : les fractures régionales et linguistiques. Comme la grève de 1960-61 l’avait déjà montré, la Flandre et la Wallonie ne vivent pas les mêmes réalités économiques ni les mêmes rythmes de mobilisation.

La Flandre, portée par l’essor industriel des années 1960-80, adopta une stratégie plus modérée et orientée vers la compétitivité. La Wallonie, frappée par la désindustrialisation, conserva un syndicalisme plus radical. Le poids de la CSC, syndicat chrétien, en Flandre joua un rôle important également, en parallèle avec la plus grande influence de la FGTB, syndicat socialiste, en Wallonie.

Ces divergences ont nourri un syndicalisme désuni, moins capable de peser collectivement sur l’avenir du pays.

Une cogestion assumée

En résumé, l’échec de 1960-61 ne fut pas seulement celui d’une grève. Ce fut le point de bascule d’un mouvement syndical qui, d’acteur insurrectionnel, devint acteur institutionnel.

Symbole de cette transformation : en 2018, la FGTB abandonna sa Charte Historique, texte fondateur adopté en 1894 qui affirmait explicitement l’objectif de « l’appropriation collective des moyens de production » et la volonté de « renversement du régime capitaliste et de l’exploitation ou l’oppression de l’homme par l’homme ». En renonçant à cet horizon révolutionnaire, la FGTB actait définitivement son passage d’un syndicat de transformation sociale à un syndicat de gestion sociale.

Cette mutation s’explique par la volonté de sécuriser des acquis sociaux, par la logique des piliers, mais aussi par le choix stratégique des directions syndicales : négocier plutôt que risquer la confrontation totale, renoncer aux projets de rupture avec le capitalisme au profit de gains immédiats mais limités. En abandonnant toute perspective de transformation structurelle du système, ces directions ont peu à peu privé le mouvement ouvrier de sa force subversive et de sa capacité à obtenir des victoires qui auraient pu véritablement changer les conditions de vie des travailleur·euses.

III. un renouveau des mouvements sociaux en Belgique après 1968

Comment les luttes féministes, écologistes, pacifistes ou altermondialistes ont pris le relais d’un syndicalisme enfermé dans la cogestion sociale

La grève de 1960-61 fut la dernière grande insurrection ouvrière. Ensuite, le syndicalisme s’enferma dans la concertation sociale, acceptant de négocier les reculs plutôt que de les combattre. Mais l’histoire sociale belge ne s’arrête pas là. À partir de la fin des années 1960, de nouvelles luttes émergent, portées par d’autres acteurs, d’autres revendications, d’autres formes d’organisation …

Mai 68 en Belgique

En mai 1968, la vague étudiante secoue la France et traverse rapidement les frontières. En Belgique, ce sont d’abord les campus universitaires qui deviennent foyers de contestation. Mais cette effervescence touche bien plus que l’université : elle ouvre la voie à une politisation de la vie quotidienne. Le féminisme, les luttes pour la paix, la critique de la société de consommation, la solidarité avec les luttes anti-impérialistes deviennent autant de terrains d’action. Ces mobilisations ne sont plus centrées exclusivement sur travail mais sur des causes transversales.

Dans les années 1970 et 1980, plusieurs mouvements prennent une ampleur inédite :

  • Les luttes féministes, avec l’essor de collectifs comme le Mouvement de Libération des Femmes (MLF), qui revendiquent la dépénalisation de l’avortement, l’égalité salariale et la fin des discriminations sexistes.
  • Les mouvements pacifistes, qui mobilisent massivement contre la présence d’armes nucléaires en Belgique. La grande manifestation du 23 octobre 1983 rassemblera plus de 400.000 personnes à Bruxelles, un record historique.
  • L’écologie politique, avec la naissance de comités de quartier, de luttes locales contre la bétonisation et la pollution, puis la formation de partis verts. Ces mobilisations annoncent une transformation durable du champ politique.
  • Les mouvements anti-impérialistes, solidaires des luttes de libération (Palestine, Amérique latine, Afrique australe…), qui dénoncent le rôle des puissances occidentales et du capitalisme international dans les massacres, la colonisation et le vol des richesses dans le Sud global.

Ces luttes n’ont pas remplacé mais ont élargi le spectre de la contestation. Elles montrent qu’on peut lutter au-delà du rapport salarial et mettre en cause des structures sociales capitalistes plus larges.

Des syndicats dépassés ?

En 1996, face à la fermeture annoncée des Forges de Clabecq (1.800 emplois), les ouvrier·ères occupent l’usine et tentent de relancer la production de manière autogérée. Cette lutte refuse la logique capitaliste et démontre qu’une production industrielle peut exister hors du profit. Malgré une mobilisation intense, elle échouera face à l’intransigeance patronale et gouvernementale, mais restera un symbole de résistance ouvrière autonome.

Contrairement aux syndicats, très structurés et hiérarchisés, les nouveaux mouvements sociaux s’organisent souvent en collectifs horizontaux. Ils privilégient la démocratie directe, l’action symbolique, les campagnes de sensibilisation. On voit apparaître des occupations de lieux, des ZAD, des campagnes d’action directe non violente, des coordinations plus souples et mais plus éphémères, …

Le monopole de la contestation n’appartient donc plus aux syndicats. Une multitude d’organisations, en dehors d’eux, prennent le relais et développent d’autres pratiques de lutte et d’autres revendications. Cette effervescence traduit aussi une méfiance profonde vis-à-vis des appareils syndicaux, accusés de canaliser les colères et de transformer les conflits en négociations institutionnelles. Face à cette bureaucratisation, beaucoup de militant·es choisissent délibérément de s’organiser ailleurs, dans des cadres plus ouverts, plus démocratiques, et plus combatifs.

Cette flexibilité permet des mobilisations rapides, mais rend aussi ces mouvements plus vulnérables à l’essoufflement. D’où leur tendance à s’appuyer parfois sur le soutien logistique des syndicats, tout en gardant leur autonomie.

L’altermondialisme et les « nouveaux sans »

Dans les années 1990 et 2000, le vent de la contestation se mondialise. La Belgique voit naître des mobilisations altermondialistes, inspirées par Seattle et Porto Alegre, autour de collectifs comme ATTAC. En parallèle, surgissent les luttes des « sans » : sans-papiers, sans-emploi, sans-abri. Ces mouvements remettent en lumière les fractures sociales produites par le néolibéralisme.

Ils posent aussi la question de la représentation : qui parle pour les exclus·e ? Les syndicats, souvent englués dans une institutionnalisation, apparaissent distants ; les collectifs autonomes prennent le relais.

À partir de 2015, le mouvement climatique belge prend un tournant plus radical, après l’échec des marches et la génération climat, avec l’émergence de Code Rouge. Ce collectif de désobéissance civile organise des actions de masse visant directement les infrastructures fossiles : blocages du port d’Anvers, occupation de sites industriels, perturbation de salons automobiles. Ce type de militantisme, horizontal et déterminé, renoue avec une culture de la confrontation que les syndicats avaient largement abandonnée.

Depuis octobre 2023 et l’intensification du génocide à Gaza, la Belgique a vu exploser un mouvement massif de solidarité avec la Palestine. Manifestations hebdomadaires, occupations d’universités, blocages d’entreprises complices : ce mouvement combine revendications politiques claires et action directe. Ce mouvement illustre la capacité de nouvelles générations militantes à tisser des liens entre luttes locales et solidarité internationale, tout en bousculant les cadres traditionnels de la gauche institutionnelle.

Arizona contre les mouvements sociaux

Face à ces mobilisations, le gouvernement Arizona ne reste pas les bras croisés. Conscient que ces mouvements, Code Rouge, le mouvement Palestine, les collectifs antiracistes, constituent les véritables forces d’opposition capables de perturber l’ordre établi, il multiplie les tentatives de criminalisation. Projets de lois visant à durcir les peines contre les actions de désobéissance civile, fichage des militant·es, répression policière accrue lors des manifestations : tout est mis en œuvre pour étouffer ces contestations.

Car contrairement aux syndicats, avec qui le pouvoir peut encore négocier, ces mouvements refusent souvent les compromis et portent des revendications incompatibles avec la logique néolibérale et impérialiste du gouvernement. C’est précisément parce qu’ils représentent une menace réelle qu’ils sont dans le viseur d’Arizona.

Aujourd’hui, les mouvements sociaux belges sont marqués par cette double histoire :

  • celle d’un syndicalisme massif mais institutionnalisé,
  • et celle de mobilisations plus fluides, transversales, souvent éphémères mais porteuses d’innovations politiques.

Du feu ouvrier de 1960-61 à l’institutionnalisation syndicale, puis à l’émergence des nouveaux mouvements sociaux, l’histoire de la contestation en Belgique raconte un même dilemme : comment garder vivante une force de rupture, sans être absorbée par les mécanismes de récupération et de domestication ?

L’avenir des luttes dépend peut-être de la capacité à articuler ces héritages : combiner la puissance organisationnelle des syndicats historiques avec la créativité et l’horizontalité des nouveaux mouvements. C’est dans cette rencontre, encore incertaine, que pourrait se dessiner le prochain cycle de mobilisation sociale en Belgique.

Légende :

*mandants : Dans le contexte syndical, les mandants sont les travailleurs membres du syndicat qui confèrent un mandat à leurs représentants élus pour défendre leurs intérêts collectifs auprès de l’employeur ou des instances de négociation.

Sources :

Bauraind, B., & Vandewattyne, J. (2019). L’avenir de la grève en Belgique. Dans Cahier 26 – Grèves et luttes sociales : enjeux et actualités ici et ailleurs (pp. 6-15). CIEP-MOC.

Bucci, M. (2019). Les grèves sont une disposition mentale. Dans Cahier 26 – Grèves et luttes sociales : enjeux et actualités ici et ailleurs (pp. 3-5). CIEP-MOC.

Dandois, B. (1970). Dix ans d’histoire sociale en Belgique (1960-1969). Le Mouvement social, (71), 83-101.

Dresse, R., & Loriaux, F. (2019). L’histoire de la grève, la grève dans l’histoire. Dans Cahier 26 – Grèves et luttes

Faniel, J., Gobin, C., & Paternotte, D. (2017). Les mouvements sociaux en Belgique, entre pilarisation et dépilarisation. DOSSIER L’éducation permanente en Transition. FESEFA.

Robeet, S. (2019). La grève : tentative de contour d’un objet insaisissable. Une approche réflexive. Dans Cahier 26 – Grèves et luttes sociales : enjeux et actualités ici et ailleurs (pp. 44-52). CIEP-MOC.