
En confiant le « contrat du siècle » à CAF, entreprise répertoriée par l’ONU pour sa participation à la colonisation israélienne, la SNCB choisit sciemment de collaborer avec un acteur clé de l’apartheid imposé au peuple palestinien. Ce faisant, la société ferroviaire belge finance, légitime et normalise un système d’oppression, tout en sacrifiant l’emploi local et en bafouant la mémoire de ses propres responsabilités passées.
Un contrat colossal attribué dans l’opacité
Le 23 juillet dernier, le conseil d’administration de la SNCB a confirmé l’attribution du marché des nouvelles automotrices AM30 au groupe espagnol CAF (Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles).
Montant de la première commande : 1,7 milliard d’euros pour 180 trains. À terme, ce marché pourrait dépasser les 3 milliards d’euros.
Ce choix intervient à l’issue d’un processus déjà controversé. En février, la SNCB avait déjà privilégié CAF, avant que le Conseil d’État ne suspende la décision en avril 2023, pointant un manque de transparence. Après une révision de la procédure, la SNCB a pourtant maintenu son choix.
CAF et la Palestine : une implication documentée dans la colonisation
Depuis 2019, le groupe CAF est directement impliqué dans le projet du Jerusalem Light Rail (JLR), le tramway de Jérusalem. Ce réseau relie Jérusalem-Ouest aux colonies israéliennes de Jérusalem-Est occupée, facilitant la circulation des colons et l’intégration économique, territoriale et logistique de ces colonies à l’État israélien.
Le rôle de CAF est suffisamment central pour que l’entreprise ait été inscrite dans la base de données des Nations unies recensant les sociétés impliquées dans la colonisation israélienne. Amnesty International est parvenue à la même conclusion et appelle explicitement CAF à cesser immédiatement toute fourniture de biens et services au réseau JLR.
Ces infrastructures ne sont pas neutres : elles sont un outil matériel de l’occupation et de l’annexion. Tandis que les Palestinien·nes subissent routes dégradées, check-points militaires et restrictions de déplacement, les colons bénéficient d’infrastructures modernes, sécurisées et réservées, protégées par l’armée israélienne. La mobilité devient un instrument d’apartheid.
Au-delà de la question palestinienne, le choix de CAF pose un problème social et écologique en Belgique. En délocalisant la production hors de Belgique, cela entraîne une perte d’emplois locaux potentiels et affaiblit l’autonomie industrielle du pays.
L’hypocrisie belge mise à nu
La décision de la SNCB illustre un fossé entre les discours officiels de la Belgique et ses actes concrets. En avril dernier, la Belgique a soutenu, au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, une résolution appelant les entreprises à cesser toute activité liée aux colonies israéliennes. Le gouvernement belge condamne officiellement ces colonies depuis des années. Comment, dès lors, justifier qu’une entreprise publique belge engage des milliards d’euros avec un acteur directement impliqué dans l’expansion de ces mêmes colonies ?
Ce double discours n’est pas isolé. Sur le territoire belge opèrent également des entreprises liées à l’industrie militaire israélienne, comme Elbit Systems, fournisseur de drones, munitions et systèmes de surveillance utilisés à Gaza et dans les territoires occupés.
Une mémoire sélective : la SNCB face à son histoire
Le 24 janvier 2024, la SNCB présentait enfin ses excuses pour sa participation à la déportation de 25.843 Juifs et Roms durant la Seconde Guerre mondiale. Les ordres venaient de l’occupant nazi, mais l’entreprise les avait exécutés sans protester, facturant même les convois.
Cette reconnaissance tardive s’accompagnait d’un engagement : celui d’assumer la responsabilité des entreprises publiques dans les violations des droits humains. Conformément à son contrat de gestion avec l’État belge, la SNCB s’est dotée d’un Code de conduite fournisseurs, censé garantir le respect du droit international et des droits humains. Pourtant, six mois à peine après cette décision historique, le même conseil d’administration attribue le plus grand contrat de son histoire à une entreprise impliquée dans un système d’occupation, de colonisation et d’apartheid.
Le maintien de la colonisation en Palestine et d’un système d’apartheid depuis des décennies n’aurait pas été possible sans un soutien économique et commercial international durable. Les infrastructures, les transports, la logistique sont des rouages essentiels de cette domination. En attribuant ce marché à CAF, la SNCB choisit sciemment la complicité.
Sources :
l’Avenir : La SNCB passe une première commande de 180 trains au groupe CAF pour 1,7 milliard d’euros, 19-12-2025 : https://www.lavenir.net/actu/belgique/2025/12/19/la-sncb-passe-une-premiere-commande-de-180-trains-au-groupe-caf-pour-17-milliard-deuros-UOGXPKXZ2BB37KU6AC4KSXHFGY/
SNCB : Le Conseil d’administration de la SNCB attribue le marché des AM30 à CAF et commande les premiers trains, 19/12/2025https://press.sncb.be/le-conseil-dadministration-de-la-sncb-attribue-le-marche-des-am30-a-caf-et-commande-les-premiers-trains
Le Soir : La SNCB et le droit international, 01/09/2025: https://www.lesoir.be/696432/article/2025-09-01/la-sncb-et-le-droit-international
PTB : SNCB : 3 milliards d’euros pour une entreprise complice de l’apartheid israélien – le PTB s’insurge, 02/04/2025 : https://www.ptb.be/actualites/sncb-3-milliards-deuros-pour-une-entreprise-complice-de-lapartheid-israelien-le-ptb
Amnesty : La SNCB ignore l’appel à mettre fin au soutien aux entreprises impliquées dans l’occupation illégale du territoire palestinien, 19/12/2025 https://www.amnesty.be/infos/actualites/sncb-caf
Amnesty : Mettre fin à l’économie qui permet le génocide, l’occupation et l’apartheid par Israël, 18/09/2025 : https://www.amnesty.be/infos/actualites/rapport-entreprises-israel
