Belgique : 10 septembre – « On bloque tout » comme en France ?

   

En France, il y a quelques mois, un appel à « Tout bloquer » a été initié sur les réseaux sociaux et il a rapidement pris en ampleur. Cet appel a été lancé en réaction au budget du gouvernement français de 2026, à ses mesures d’austérité et la suppression de 2 jours fériés. Un mouvement prend forme et est comparé à celui des Gilets-Jaunes en 2018.

L’objectif annoncé du mouvement est de paralyser l’économie française, d’effectuer un boycott massif, tout en se reposant sur la solidarité au sein du mouvement pour développer des caisses de grève. A l’heure actuelle, partout en France, des blocages, actions et manifestations s’organisent principalement via les réseaux-sociaux et lors d’assemblées générales autour de la date du 10 septembre. Contrairement aux Gilets-Jaunes de 2018, le mouvement du 10 septembre s’est structuré autour d’assemblées générales, déployées partout en France plutôt que sur les ronds-points, offrant un cadre potentiellement plus accessible aux personnes non blanches et aux quartiers populaires souvent absents des mobilisations précédentes. Le soutien actif des fronts étudiants et du mouvement pro-palestinien par exemple ouvre la voie à une forme de lutte sociale intersectionnelle.

Dans la nuit du 4 au 5 septembre, une série d’actions simultanées ont été menées en Belgique. Ces dernières ont eu pour objectif d’exprimer un message de soutien au mouvement social français naissant, ainsi que de mobiliser en Belgique face à la guerre sociale contre les pauvres et les travailleur·ses que constitue le programme du gouvernement Arizona.

Dans un communiqué les Gilets-Jaunes de Namur et de la Province du Luxembourg expliquent :

« Nous dénoncons autant l’inaction et la mollesse (quand ce n’est pas la traitrise!) de la gauche du Capital que les politiques de Robin des Riches des partis de droite (MR et Engagés).

Considérant aussi que les hiérarchies syndicales autant que les partis de gauche se cantonnent à négocier la longueur de nos chaines, nous affirmons la nécessité de l’action directe et de l’autonomie dans les luttes sociales. »

« Nos politiciens sont des carrièristes opportunistes au service de président de partis souvent tyranniques qui se battent pour garder le pouvoir plutôt que de veiller à développer nos droits démocratiques. Ils font partie d’une aristocratie élective à la solde d’une oligarchie nous amenant dans tous les murs : économiques, sociaux, sociétaux, sanitaires, démocratiques et écologiques. Le traité du MERCOSUR en est un des plus récents exemples.« 

En Belgique les politiques antisociales du gouvernement Arizona n’ont rien à envier à celles de la France : Limitation du chômage à 2 ans, 230 000 personnes potentiellement exclues du chômage, augmentation du temps travail, diminution des droits des travailleur·ses et flexibilisation du travail, suppression de l’interdiction du travail de nuit (qui était autorisé sous dérogation avant), recul généralisé du pouvoir d’achat avec des heures de travail en équipe ou durant la nuit qui seront beaucoup moins bien rémunérées. Limitation des durées de préavis en cas de licenciement … Tout ça pour quoi ? Une augmentation possible du salaire net des travailleur· ses de … 70€/mois à l’horizon 2029, selon la FGTB.

On est donc loin des 500 euros par mois en plus qui étaient promis par le gouvernement Arizona, pendant que les plus riches bénéficient de la diminution des droits des travailleur·ses qui réduisent toujours plus les coûts du travail pour le patronat.

Quelles perspectives en Belgique ?

L’an dernier, on a cru pouvoir observé un sursaut dans les mobilisations sociales belges. Après la formation du gouvernement Arizona très à droite, et ses offensives contre les travailleur·ses, plusieurs manifestations, grèves et actions massives avaient été menées, notamment, une large manifestation le 13 février 2025 qui avait laissé espérer le début d’un mouvement social.

Le mouvement social peine à prendre en ampleur et s’est même essoufflé peu à peu, alors que l’offensive de droite se poursuit. Cet essoufflement est notamment attribué aux directions syndicales du front-commun*, qui organisent des grèves sans lendemain, des mobilisations sans perspectives et qui ne savent pas imposer ni développer un réel rapport de force avec le gouvernement. Les directions des syndicats se satisfait d’une collaboration avec les patrons et leurs représentants politiques et ne ne permettent pas un rapport de force en faveur des travailleur·ses.

Certes, une grève coûte cher et est difficile à mettre en oeuvre. Par ailleurs, toutes et tous les travailleur·euses n’ont pas les mêmes conditions matérielles qui permettent de faire grève ou de s’engager dans un mouvement social. Cependant, au sein même des syndicats est pointée du doigt la responsabilité de la bureaucratie syndicale dans l’essouflement du mouvement social. On l’a vu en 2014, 2016, 2020 et l’an dernier : alors que des conditions sont réunies pour l’émergence d’importants mouvements sociaux, la bureaucratie syndicale manque de perspective stratégique et relâche la pression lorsqu’il faut la maintenir.

Mais la colère, même si elle n’est pas suivie par les directions des syndicats, est bien présente au sein de la population belge. De nombreux secteurs des travailleur·ses ont été luttes l’année dernière et continuent à l’être cette année.

Est-ce que l’impulsion du mouvement en France du 10 septembre pourrait servir à initier un mouvement similaire, en Belgique ?

Dur à dire. Il a souvent été observé que des mobilisations politiques en France (Gilets Jaunes, nuit debout,…) débordent de l’hexagone et impulsent des dynamiques similaires – avec leurs spécificités – en Belgique. Bien que des expériences importantes en sont sorties, ces mobilisations, coupées de leur base matérielle, se sont souvent révélées être des pétards mouillés une fois passée la frontière belge.

Un des enjeux est donc aussi que le mouvement social à venir fasse preuve d’ingéniosité, se construise selon la réalité belge, et ne se limite pas à une tentative de reproduction superficielle de ce qui se passe en France.

Différents collectifs belges, y compris des Gilets-Jaunes, appellent à se mobiliser largement le 14 octobre à Bruxelles lors de la prochaine manifestation syndicale nationale contre l’Arizona.⁩

D’ici là, des assemblées sont organisées, et certains piquets de grève. L’Assemblée de travailleur.ses de Commune Colère relaie différentes actions et rendez-vous pour se mobiliser contre les mesures anti-sociales de l’Arizona, par-delà les mobilisations syndicales traditionnelles.

Source :

Légende :

*La CSC (syndicat chrétien), FGTB (syndicat socialiste) et CGSLB (syndicat des libéraux)