A Bruxelles, 60% des ménages sont locataires. Pour les ménages les plus pauvres, le loyer représente près de la moitié de leur budget. Or Bruxelles manque cruellement de logements abordables et plus de 50 000 ménages sont en liste d’attente pour un logement social.

Pour justifier le prix des loyers, une réponse parfois mise en avant par les propriétaires bailleurs* est que mettre en location un logement implique des frais, que cela coûte cher et prend du temps. Mais combien cela coûte-t-il réellement de mettre un logement en location? Et est-ce une grande charge de travail ?

En Belgique, les loyers perçus par un propriétaire bailleur sont moins taxés que les revenus du travail. Ceci serait justifié par les dépenses nécessaires pour entretenir un logement. Les pouvoirs publics* estiment que 40% du loyer perçu par le propriétaire est réinjecté dans l’entretien du bien. Et ces 40% ne sont donc pas taxés. Pourtant, une nouvelle étude de l’Université Libre de Bruxelles estime des frais d’entretien et de réparation autour de 10% du revenu locatif, bien en dessous de ce qui est prévu par la taxation belge.
La taxation belge des loyers ne paraît donc pas complètement justifiée et être propriétaire ne coûterait donc pas aussi cher que l’estiment les pouvoirs publics.

L’étude précitée a également permis d’établir des salaires horaires pour les propriétaires interrogés, grâce à l’analyse d’une vingtaine de logements en location. Sur base du temps alloué par les propriétaires à la gestion de leur bien en location, les auteur·es établissent une estimation de salaires horaires à environ 400€ de l’heure.
En effet, la gestion d’un logement en location ne prendrait que rarement plus de 4h par mois par propriétaire et par logement. Ceci suggérerait que les revenus locatifs ne sont pas une simple rémunération d’un travail. C’est suivant cette intuition que le peu, voire l’absence de travail fourni par les propriétaires a amené certains économistes à décrire les propriétaires comme des « parasites ».* Le renvoi vers la notion de « parasite » permet de mettre en évidence la relative passivité des propriétaires en termes de production de travail, ce qui fait sens à Bruxelles où les logements en location sont pour la majorité anciens et peu ou mal entretenus.
Alors que les ménages les plus pauvres doivent payer jusqu’à la moitié de leur salaire pour payer leur loyer, les propriétaires bailleurs ne fournissent quant à eux que quelques heures de travail par mois pour mettre un logement en location.

En estimant les frais d’entretien des propriétaires bailleurs à 10% du loyer, les auteur·es arrivent à une estimation de la rente de l’ordre de 50 à 60% du loyer.
La rente c’est un revenu extrait par les propriétaires sans qu’ils et elles ne participent à la production de la marchandise (ici le logement) justifié uniquement par leur titre de propriété privée.
Pour l’échantillon de leur enquête, 50 à 60% du loyer payé par les locataires vient directement enrichir les propriétaires.

L’étude des frais des propriétaires pourrait contribuer à la réflexion au sujet de la régulation des loyers, mais aussi à la question de la rénovation des logements, car le parc de logements loués à Bruxelles est de plus en plus vieux et les normes environnementales se multiplient. Il y a un réel risque que les propriétaires augmentent les loyers après des rénovations, soit pour couvrir les coûts engendrés, soit parce que les travaux ont amélioré la qualité du logement, ce qui justifierait de hausser le loyer.
Comment faire pour que les loyers cessent d’augmenter ? Qui des locataires ou des propriétaires devra porter la charge financière de la rénovation des logements ?
Alors que l’on constate que mettre en location un logement ne nécessite que peu d’heures de travail par mois, cela a-t-il du sens que les revenus locatifs soient moins taxés que les revenus du travail ?

Si le logement est un droit fondamental*, il est également devenu une marchandise, car il permet à des propriétaires bailleurs de tirer une rente d’un logement en location. Les loyers élevés sont impayables pour toute une partie de la population bruxelloise, mais aussi un moyen de s’enrichir pour d’autres.
En raison de cette double fonction, le logement ne peut pas être perçu comme une marchandise standard. Pour garantir l’accès au logement pour tou·tes, les pouvoirs publics se doivent d’étudier et réguler l’activité des propriétaires bailleurs qui captent une rente grâce aux loyers que leur versent leurs locataires.
Les loyers viennent en effet enrichir des personnes qui sont déjà privilégiées, sans qu’elles ne produisent un réel travail. Ainsi, les loyers renforcent les inégalités entre propriétaires et locataires. S’attaquer à la propriété privée lucrative est une façon de lutter contre les inégalités, et de permettre à chacun·e de disposer d’un logement digne.
Légende :
* Un propriétaires bailleur est une personne qui possède un bien immobilier mais qui le met en location (à la différence de propriétaire occupant, qui occupe son propre bien)
*L’on entend ici par pouvoirs publics les autorités de l’administration générale de l’État qui font appliquer les lois sur le territoire national. Pour ce qui est de la taxation des revenus, cela passe par le Code des Impôts sur le Revenu dans lequel figurent les pourcentages défiscalisés, les taux de taxation, etc.
*Karl Marx et David Ricardo sont notamment régulièrement cités pour leurs descriptions de propriétaires/rentiers comme étant des parasites
* Le droit à un logement décent est inscrit dans la Constitution Belge (Art. 23), comme faisant partie du droit de chacun·e de « mener une vie conforme à la dignité humaine »
Sources :
Margot Dior Peelman et Hugo Périlleux,2025. Mesure de la rente locative à partir des frais d’entretien. Brussels Studies. URL https://journals.openedition.org/brussels/8562
Podcast la Brique et le pavé. https://www.radiopanik.org/emissions/la-brique-et-le-pave/a-quoi-servent-les-loyers/
