Personnes Sans-papiers, la traque commence

   

Depuis la formation de la coalition Arizona, la Belgique s’enfonce encore plus dans une logique autoritaire et chauvine où les personnes sans papiers sont les cibles privilégiées d’un pouvoir obsédé par la « fermeté » migratoire. Derrière les mots creux de « lutte contre l’immigration irrégulière », se déploie un appareil d’état répressif de plus en plus structuré, assumé et brutal. Perquisitions domiciliaires, contrôles policiers massifs, démantèlement du droit d’asile, fin de la régularisation… : le pays opère un glissement inquiétant vers une politique de la peur, du contrôle, de la traque et l’expulsion des personnes exilées.

Une politique migratoire devenue machine à exclure

Au centre de cette offensive belge, la stratégie du gouvernement Arizona (N-VA, MR, Les Engagé.es, Vooruit, CD&V) : faire de la Belgique un espace hostile pour les personnes migrantes, avec ou sans papiers. Chaque semaine, des contrôles de police ciblent les transports, les gares, les logements. À Bruxelles-Midi, à Liège, dans les bus internationaux low-cost, dans les trains, dans les quartiers populaires, les contrôles et les arrestations se multiplient.

La coalition Arizona, s’attaque frontalement aux personnes exilées, en particulier celles qui n’ont pas de « statut légal. »

Première offensive : les contrôles systématiques

Depuis mars 2025, des opérations policières ont été mises en place dans tout le pays : aux frontières, dans les gares, dans les transports en commun, et jusque dans les quartiers « populaires » de Bruxelles, Charleroi et Anvers. Chaque semaine, des équipes sont déployées avec un objectif assumé : arrêter les personnes sans titre de séjour, les embarquer, les enfermer, et, quand c’est possible, les expulser. Des campagnes policières de grande ampleur se sont acharnées autour des « contrôles systématiques dans les gares et même les métros », fruit d’une campagne plus médiatique que politique, et dont l’objectif est clair : criminaliser le droit d’asile jusqu’a son paroxysme.

Le ministre de l’Intérieur Bernard Quintin (MR) et la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Anneleen Van Bossuyt (N-VA) s’en félicitent dans la presse : « L’objectif est de faire passer le message que la Belgique n’est pas une terre d’impunité. »

La mesure la plus alarmante reste sans doute la résurrection des visites domiciliaires. Autrement dit, la possibilité pour la police d’entrer dans le lieu de vie d’une personne sans papiers, avec l’autorisation d’un juge d’instruction, pour l’en arrêter.

Cette disposition, déjà envisagée sous Theo Francken en 2017, avait alors été rejetée après une vague d’indignation. Elle revient aujourd’hui par la grande porte, portée par un exécutif qui assume délibérément la transgression des droits fondamentaux. Pour les associations, c’est un tournant dramatique : « C’est une intrusion dans l’intimité, une humiliation, une violence psychologique qui s’ajoute à la peur constante de l’arrestation », dénonce la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés.

« Cette politique repose sur une logique d’intimidation. Elle vise à rendre la vie des sans-papiers invivable pour les pousser à l’auto-expulsion. » Témoignage anonyme, travailleuse sociale à Schaerbeek

Une réforme de la politique d’asile au service de l’expulsion

Parallèlement, la Chambre a voté en juillet 2025 deux lois-clés : la réduction drastique des délais de recours en matière d’asile et la possibilité pour les forces de l’ordre d’exécuter plus rapidement les décisions de retour. Autrement dit, moins de recours possibles pour les personnes déboutées, plus d’arrestations, plus d’expulsions.

Le Vlaams Belang, parti d’extrême droite, a même soutenu ces textes, preuve que l’extrême-droite n’a plus besoin d’être au pouvoir pour imposer son agenda politique raciste: elle gouverne par procuration, depuis les bancs de la majorité, signe d’une fascisation rampante de l’appareil d’état belge. Cette proximité idéologique n’est plus cachée : dans une interview au Soir, Anneleen Van Bossuyt (NVA, ministre de l’Asile et de la Migration) évoque sans détour sa volonté de rendre les régularisations « exceptionnelles ».

Contrôles au faciès, arrestations dans les bus et gares : la traque est ouverte

Les témoignages de terrain abondent. À Bruxelles-Midi, à Liège-Guillemins ou dans les gares flamandes, les contrôles d’identité au faciès sont monnaie courante. On cible les personnes racisées, les voyageurs sans « look belge ». Des policiers fouillent, interpellent, embarquent. Le collectif Getting the Voice Out a recensé plusieurs dizaines d’arrestations violentes depuis le printemps.

Même les bus internationaux low-cost, comme Flixbus ou Blablacar, sont désormais dans le viseur. La Belgique s’inscrit dans une logique européenne de militarisation des transports à bas prix, avec contrôles dans les parkings, les aires d’autoroute, et parfois même au départ des gares routières.

« Tolérance zéro »

Ce que la Belgique met en place, ce n’est pas une politique migratoire, c’est une stratégie d’exclusion massive. Une stratégie qui fragilise des familles entières, isole les travailleurs invisibles, pousse les jeunes à la clandestinité permanente. Une politique qui fracture la société, installe la peur, mine les liens de solidarité. Et ce harcèlement institutionnel n’a qu’un objectif : dissuader, décourager, faire fuir. Mais à quel prix ? Des enfants arrêtés à la sortie de l’école. Des femmes en centre fermé. Des travailleurs privés d’un logement. La peur et la précarité exacerbée des personnes exilées devient outil de gouvernement.

« On n’est pas face à une crise migratoire. On est face à une crise politique de l’humanité. » Avocat en droit des étrangers, Barreau de Bruxelles

Ce que nous vivons en Belgique n’est pas une simple série de mesures. C’est une transformation profonde de l’État de droit, un basculement vers une gestion autoritaire de la migration, où la loi est utilisée comme un outil de chasse.

Une Europe qui organise l’exclusion comme politique commune

En juin 2025, le ministre français Bruno Retailleau a lancé une opération nationale de 48 heures pour contrôler les sans-papiers dans les gares et transports. Près de 4 000 agents mobilisés, avec un objectif clair : produire un effet dissuasif, médiatisé, visible. Les cibles privilégiées ? Les bus low-cost, empruntés par les plus précaires, souvent racisés. Les contrôles au faciès sont systématiques. Ce ne sont plus des “contrôles”, ce sont des rafles ciblées, dans un faux cadre légal aseptisé.

À Londres, le gouvernement multiplie les accords avec des pays tiers (notamment le Rwanda) pour externaliser les expulsions, avec la complicité active de la France. Le système prévoit même l’usage de l’intelligence artificielle pour détecter les « faux mineurs » à la frontière. Une criminalisation totale donc , y compris des enfants. Plusieurs partis de la coalition Arizona belge veulent également expulser les détenus « étrangers » hors de la Belgique, dans des centres de rétention au Kosovo par exemple.

Sous Giorgia Meloni, l’Italie est à la pointe de l’externalisation. Accords avec la Tunisie, la Libye, l’Albanie… L’idée ? Déléguer l’enfermement, l’accueil, l’expulsion à d’autres États, souvent autoritaires, hors du champ du droit européen.

En Allemagne même logique, plusieurs Länder réinstaurent les expulsions vers l’Afghanistan ou la Syrie, malgré les mises en garde des organisations humanitaires. La logique : ne pas « envoyer de mauvais signaux » à de futurs migrants. Même si cela signifie renvoyer des personnes vers des régimes meurtriers.

Partout, le même vocabulaire : “lutte contre l’immigration illégale”, “retour à l’ordre”, “efficacité des procédures”. Mais derrière les mots, une même réalité : des vies brisées, des familles séparées, des enfants enfermés. La répression est planifiée, budgétisée, votée démocratiquement, dans une hypocrisie européenne complétemment assumée et politique.

Face à cette déshumanisation systémique, des résistances s’organisent, en Belgique comme ailleurs.

Plusieurs ONG (CIRE, LDH, Vluchtelingenwerk, Plateforme citoyenne…) ont alerté sur la dérive autoritaire à l’œuvre. Des occupations d’églises et d’universités, des réseaux de soutien juridique, des collectifs de sans-papiers auto-organisés, des actions de désobéissance civile… Les voix dissidentes ne manquent pas, mais elles sont de plus en plus fragilisées, criminalisées, surveillées.

Sources

BX1. (2025, 18 juillet). La Chambre adopte deux lois pour durcir les procédures d’asile : la majorité Arizona obtient le soutien du Vlaams Belang. https://bx1.be/

InfoMigrants. (2025, 3 juillet). La Belgique renforce les contrôles policiers sur son territoire pour lutter contre l’immigration irrégulière. https://www.infomigrants.net/

La Libre Belgique. (2025, 18 juillet). Asile et migration : le gouvernement valide le retour des visites domiciliaires. https://www.lalibre.be/

La Libre Belgique. (2025, 25 juillet). Sous l’Arizona, les régularisations seront une « exception absolue ». https://www.lalibre.be/

Le Soir. (2025, 17 juillet). « L’objectif est d’organiser des contrôles chaque semaine » : la Belgique renforce sa politique migratoire. https://www.lesoir.be/

Le Soir. (2025, 18 juillet). Migration : « Je suis très inquiète de voir la violence avec laquelle l’Arizona s’attaque aux droits fondamentaux ». https://www.lesoir.be/

Le Soir. (2025, 20 juillet). Kern : le gouvernement ressuscite la controverse des visites domiciliaires. https://www.lesoir.be/

PTB. (2025, 19 juillet). Les plans de l’Arizona pour l’asile et la migration : plus de déshumanisation et démantèlement des droits fondamentaux. https://www.ptb.be/

RTBF. (2025, 18 juillet). La Belgique va renforcer les contrôles sur son territoire pour lutter contre l’immigration irrégulière : 4 questions pour comprendre. https://www.rtbf.be/

StreetPress. (2025, 2 juillet). Traque des personnes sans papiers : les bus pas chers dans le viseur. https://www.streetpress.com/

Euronews. (2025, 1er juillet). Plusieurs pays de l’UE prêts à externaliser l’accueil de migrants. https://fr.euronews.com/

InfoMigrants. (2025, 30 juin). Royaume-Uni : le gouvernement annonce des mesures après de nouvelles manifestations anti-migrants. https://www.infomigrants.net/

Libération. (2025, 2 juillet). Chasse aux étrangers : Retailleau lance 48h de traque aux sans-papiers dans les transports. https://www.liberation.fr/

Le Monde. (2025, 2 juillet). L’opération dans toute la France pour contrôler les sans-papiers, symbole de la « tolérance zéro » voulue par Bruno Retailleau. https://www.lemonde.fr/