Décès de Sourour : la zone de police bientôt inculpée ? Une déresponsabilisation des policier·ères

   

Le 12 janvier 2023, Sourour Abouda, Belgo-Tunisienne de 46 ans, décédait dans la cellule du commissariat de la rue Royale à Bruxelles. Début avril 2025, le Procureur du roi*, a affirmé qu’il existait « des charges suffisantes contre la zone de police Bruxelles-Capitale-Ixelles en ce qui concerne l’inculpation d’homicide involontaire »2. Le Procureur du roi demande donc que la zone de police soit renvoyée devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire. Une première dans la justice belge. En revanche, le Procureur du roi demande qu’aucun·e policier·ère ne soit inculpé·e en tant qu’individu·e.

Ainsi, si la zone de police en venait à être inculpée dans son entièreté, la justice belge reconnaîtrait, en quelques sortes, un problème de fonctionnement dans cette partie de l’institution policière, puisqu’elle ne tiendrait pas pour responsable les individu·es, malgré leurs fautes. C’est un problème de structure qui est pointé ici, dans le réquisitoire du Procureur du roi. D’un côté, après trois décès en cellule dans le même commissariat entre 2021 et 2023, l’annonce d’un problème structurel au sein de la zone de police a de quoi marquer les esprits. D’un autre côté, ce réquisitoire ôte la responsabilité aux policier·ères en charge ce soir-là, puisqu’il ne charge aucun·e policier·ère en particulier.

Selma Benkalifa, avocate de la famille, explique : « Depuis le temps qu’on réclame que soit pris en compte le problème structurel à la police, on est très content d’un renvoi au pénal de la Zone, parce que ça signifie bien que le problème n’est pas seulement un problème d’individu, mais aussi un problème structurel. Selon moi, c’est la première fois que ça arrive, et donc c’est une avancée pour le droit des victimes. Cela dit, le fait que le problème soit structurel n’enlève rien au fait qu’il y ait des responsabilités individuelles ». 

Cependant, le Procureur semble passer outre ces responsabilités individuelles : malgré des mensonges policiers répétés (notamment concernant un pseudo-suicide de Sourour), la présence de coups sur le corps de Sourour, des années de pressions policières, … aucun·e policier·ère ne sera poursuivi·e si le réquisitoire du Procureur est accepté. En somme, le Procureur refuse  de se poser la question : « la faute à qui ? ». Et la famille de Sourour s’indigne. Soumaya, sa sœur, explique : « Moi je veux que les policiers (certains gens) se rendent compte du tort qu’ils ont fait, que leur responsabilité soit reconnue ». 

Par ailleurs, le avocat·es sont dans un flou : puisque la situation n’est jamais arrivée en Belgique, difficile d’y voir clair, de savoir qui va être accusé derrière cette « Zone de police ». Son chef ? Philippe Close, le Bourgmestre en charge ? Personne ? » Le 13 juin se déroulera l’audience devant la chambre du conseil, qui décidera de la charge retenue et des personnes inculpées. Elle devrait amener certaines réponses aux proches de Sourour et aux personnes qui s’intéressent de près ou de loin à la lutte contre les violences policières .

Légende : 

    * « Le Procureur du roi est chargé de représenter et défendre les intérêts de la société, et de s’assurer du respect des lois et de leur exécution »

Sources : 

1) RTBF, 03/02/2025, « Décès de Sourour Abouda dans un commissariat de police : la thèse du suicide de moins en moins crédible, un rapport administratif en question ». En ligne : https://www.rtbf.be/article/deces-de-sourour-abouda-dans-un-commissariat-de-police-la-these-du-suicide-de-moins-en-moins-credible-un-rapport-administratif-en-question-11146176

2) RTBF, 04/04/2025 « Décès de Sourour Abouda dans un commissariat : des charges suffisantes pour retenir l’homicide involontaire, selon le parquet de Bruxelles ». En ligne : https://www.rtbf.be/article/deces-de-sourour-abouda-dans-un-commissariat-des-charges-suffisantes-pour-retenir-l-homicide-involontaire-selon-le-parquet-de-bruxelles-11528023

3) ZinTV, 14/12/2022, « Carte blanche pour Mohamed Amine Berkane ». En ligne : https://zintv.org/carte-blanche-suite-au-deces-de-mohamed-amine-berkane/

Interview des avocat·es et de la famille