
Le Mouvement Réformateur (MR) est-il encore un parti libéral ou a-t-il définitivement viré vers l’extrême droite ? Sous la houlette de Georges-Louis Bouchez, la réponse semble claire : le MR s’enfonce tête baissée dans une stratégie islamophobe et populiste, inspirée des tendances de l’extrême droite européenne. Les dernières déclarations de Bouchez ne sont pas des accidents maladroits, mais bien symptomatiques d’une stratégie assumée, celle du choix politique de l’extrême-droitisation de son parti, le MR.
Lors d’une conférence organisée par le centre Jean Gol le 17 décembre dernier, Bouchez a déclaré vouloir : « inscrire l’islamophobie comme délit pénal, c’est d’une débilité sans nom. »
Il a poursuivi en comparant l’islamophobie à l’arachnophobie, insinuant que les musulman·es seraient comparables à des araignées, qu’on pourrait légitimement craindre et détester.
Bouchez s’est donné des airs de défenseur de la liberté d’expression : « On a le droit d’avoir peur de l’islam et de critiquer l’islam. » Ce discours ne relève pas d’une maladresse, mais d’une stratégie cynique : nourrir la haine pour engranger des voix. En légitimant la peur et la discrimination, Bouchez s’inscrit pleinement dans la rhétorique raciste des partis d’extrême droite européens.
L’islamophobie ne se limite pas à une peur irrationnelle comme veut le faire croire Georges-Louis Bouchez. Ce terme, largement étudié, désigne une forme spécifique de racisme qui cible les musulman·es en tant qu’individus et en tant que groupe religieux.
L’islamophobie englobe les préjugés, les discours haineux, la marginalisation et les violences dirigées contre des personnes perçues comme musulman·es. Elle va même jusqu’à engendrer la mort de musulman·es ou de personnes identifiées comme telles dans l’espace public, tué·es parfois par la police, d’autres fois par des citoyen·es racistes animé·es par des idéologies de haine. Elle engendre, avec d’autres facteurs systémiques, l’enfermement massif des personnes dans des centres fermés et des prisons, où elles sont détenues sans aucune forme de justice ni procès équitable, simplement en raison de leur existence ou de leur statut perçu.* Elle justifie des politiques ségrégationnistes qui visent à empêcher certaines parties de la population, en particulier les personnes de confession musulmane, d’accéder aux études et au travail, en raison de leur religion ou de leur apparence. Chaque année, en Belgique, des attentats planifiés par des groupes d’extrême-droite sont déjoués. Ces attaques ciblent des musulman·es ou des lieux liés à l’Islam, révélant une menace constante et organisée.
Cette violence systémique ne se limite pas à des actes isolés, mais s’inscrit dans un climat de normalisation et de banalisation du racisme, alimenté par des discours politiques et médiatiques stigmatisants, comme ceux du MR et de Gloub. Ces discours façonnent une perception publique où les musulman·es et les personnes perçues comme telles sont constamment associées à des menaces sécuritaires ou culturelles, justifiant ainsi des politiques répressives et discriminatoires. En parallèle, des mécanismes institutionnels, tels que l’interdiction du port du voile, soutiennent et alimentent l’association des personnes musulmanes à un danger, sécuritaire ou culturel. Ceci vient renforcer et légitimer des contrôles policiers ciblés, la surveillance de masse et la restriction des libertés individuelles, sous prétexte de lutte contre le terrorisme ou de la protection d’une prétendue laïcité.
Comparer l’islamophobie à l’arachnophobie est une tentative ridicule de banaliser une discrimination bien réelle. Les araignées ne sont pas victimes de discriminations systémiques ou d’exclusion sociale. Les musulman·es, elleux, le sont, et ce, depuis de nombreuses années et de manière croissante en Belgique. Près d’une personne musulmane sur deux déclare avoir été victime de discrimination en Europe, comme en témoignent les nombreuses études sur la montée de l’islamophobie en Belgique et partout en Europe (rapport 2023 du CCIE).
Ce type d’argumentaire fallacieux est non seulement malhonnête, mais aussi dangereux. En niant la nature raciste de l’islamophobie, Bouchez contribue à légitimer les comportements discriminatoires. Plusieurs associations, comme le Collectif Contre l’Islamophobie en Belgique (CCIB), ont dénoncé cette dérive inquiétante, en rappelant que l’islamophobie est reconnue comme une forme de racisme dans de nombreux pays.
Les discours racistes sont de plus en plus justifiés dans l’espace public, par des politicien·nes de premier ordre comme Gloub. Dans le même temps, ces politicien·nes, y compris GLB, soutiennent un génocide et défendent le suprémacisme sioniste en Palestine. Que peuvent-ils alors promettre aux populations victimes de racisme en Belgique si ce n’est que la continuité de ces idéologies d’extreme droite ?
Un MR et une classe politique en pleine radicalisation
Ce n’est pas un hasard si le centre Jean Gol, think-tank du MR, se transforme en usine à idées réactionnaires. Ce laboratoire produit de plus en plus de discours polarisants et toxiques, en multipliant les attaques contre les minorités, en tentant de faire passer des idées d’exclusion pour des débats légitimes sous couvert de « liberté de débat ». Stigmatisation des musulman·e·s, discours anti-immigration, homophobie, transphobie, et on en passe… Bouchez ne cache même plus son ambition de capter l’électorat le plus radicalisé et raciste.
Comme nous l’évoquions dans de précédents articles, cette radicalisation s’illustre parfaitement par l’intégration récente de Noa Pozzi et Mathéo Besson, deux figures de l’extrême droite belge issues du parti « Chez Nous ». Par leur affiliation, avalisée par Bouchez lui-même, le MR persiste dans cette stratégie de normalisation de l’extrême droite.
Le problème, c’est que ce genre de discours ne reste pas sans conséquence. Normaliser l’islamophobie, le racisme et le suprémacisme comme Bouchez tente de le faire, ouvre la porte à une montée des actes haineux et des violences envers les minorités.
Bouchez, l’apprenti populiste
Georges-Louis Bouchez se rêve probablement en tribun provocateur, à la manière d’un Éric Zemmour ou d’un Viktor Orbán, mieux encore comme Trump. Mais son imitation des figures populistes européennes ne fait qu’exposer son opportunisme et son manque de vision politique. Sa rhétorique anti-islam s’inscrit dans une stratégie pensée pour transformer le MR en un parti d’extrême droite, à peine masqué sous une couverture libérale, exploitant les mêmes ressorts que ses homologues européens : peur de l’autre, rejet des différences et nostalgie d’un passé fantasmé.
Le MR, autrefois parfois perçu comme un parti libéral, s’est transformé sous la direction de Georges-Louis Bouchez en une machine de guerre idéologique d’extrême droite. En normalisant des discours islamophobes, il rejoint les rangs des partis populistes européens et menace de fracturer durablement la société belge.
Légende :
*À ce sujet, voir notemment le rapport du Centre pour l’Égalité des Chances et la Lutte contre le Racisme. Note: Constats et Exposé des Problèmes Concernant les Centres Fermés, à l’Attention de l’Office des Étrangers. 2003-2004, https://www.myria.be/files/centres_fermes.pdf.
Sources :
Calabrese, Laura, et Magali Guaresi. « Islamophobie : du mot au phénomène social. Approche cooccurrentielle d’une notion controversée. » JADTs (15es Journées internationales d’Analyse statistique des Données Textuelles), juin 2020, Toulouse, France. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03167194
Centre pour l’Égalité des Chances et la Lutte contre le Racisme. Note: Constats et Exposé des Problèmes Concernant les Centres Fermés, à l’Attention de l’Office des Étrangers. 2003-2004, https://www.myria.be/files/centres_fermes.pdf.
Collectif Contre l’Islamophobie en Europe (CCIE). Rapport annuel sur l’islamophobie en Europe pour l’année 2023. Février 2024. https://ccieurope.org/
La Libre Belgique. « Georges-Louis Bouchez mise sur le Centre Jean Gol pour amplifier sa guerre idéologique contre la gauche. » La Libre, 24 décembre 2024. https://www.lalibre.be/belgique/politique-belge/2024/12/24/georges-louis-bouchez-mise-sur-le-centre-jean-gol-pour-amplifier-sa-guerre-ideologique-contre-la-gauche-BUJYKN5N6VFG3DTVHXS3UXJBBE/
La Libre Belgique. « L’étude du MR sur le wokisme a tout d’un naufrage intellectuel. » La Libre, 9 mars 2023. https://www.lalibre.be/debats/opinions/2023/03/09/letude-du-mr-sur-le-wokisme-a-tout-dun-naufrage-intellectuel-AD2JMJUR5BF3BMMEXJNPF6NWYU/
L’Echo. « Élections 2024 : les propos de Jeholet sur le port du voile, un reflet de l’évolution du MR. » L’Echo, 2024. https://www.lecho.be/dossiers/elections-en-belgique/elections-2024-les-propos-de-jeholet-sur-le-port-du-voile-un-reflet-de-l-evolution-du-mr/10549477.html
Le Soir. « Wokisme, migration, traditions : comment le Centre Jean Gol s’est mué en outil de la droite. » Le Soir, 31 décembre 2024. https://www.lesoir.be/645502/article/2024-12-31/wokisme-migration-traditions-comment-le-centre-jean-gol-sest-mue-en-outil-de-la
