Mobilisation contre la construction d’un centre fermé à Jumet en Wallonie

   

Demain, mercredi 10 avril, de nombreux collectifs appellent à un rassemblement contre la construction d’un second centre fermé en Wallonie. Après des années d’échec, l’Office des étrangers vient finalement de déposer un nouveau permis pour construire un centre fermé à Jumet, près de Charleroi (Wallonie). Visant à enfermer les personnes en situation irrégulière, il a également pour objectif de faciliter leur retour forcé vers le pays d’exil. D’une capacité de 200 places, le centre fermé serait construit juste à côte d’un camp de formation de la police fédérale et l’aéroport de Charleroi (Brussels-South). L’Etat belge, qui espère finaliser ce projet dès 2028, compte ainsi dépenser 40 millions d’euros pour réaliser ses ambitions ultra-sécuritaires et xénophobes1.

La construction du centre fermé à Jumet s’inscrit plus largement dans le « Masterplan Centres Fermés » approuvé par le gouvernement fédéral en 2022, et porté actuellement par Nicole De Moor, secrétaire d’État à l’Asile et la Migration. Les objectifs de cette politique ? La construction de 3 nouveaux centres fermés et 1 un centre de départ* (Jabbeke, Zandvliet, Jumet et Steenokkerzeel), qui représenteraient environ 500 places supplémentaires dédiées au retour forcé des personnes en séjour irrégulier. C’est plus de 100 millions d’euros d’investissement qui permetraient de doubler le nombre de places en centres fermés en Belgique2.

Dans un communiqué de 2022, l’ancien secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, Sammy Mahdi, déclarait que « Le centre de retour fermé de Jumet […] sera utilisé en priorité pour le retour des personnes en séjour irrégulier qui constituent une menace pour l’ordre public ou causent des nuisances. » Mais également : « les personnes qui commettent des délits mineurs (comme le vandalisme), les dérèglements du comportement et les toxicomanes.« 3

En février 2024, Nicole De Moor, alors nouvelle secrétaire d’Etat, annonçait que « l’Office des étrangers placera [les dealers sans-papiers du quartier de Peterbos] dans un centre fermé. »4

Ce discours s’inscrit donc dans une hiérarchisation des « bons » et « mauvais » migrant·es, stigmatisant ainsi celles et ceux que l’on prive pourtant de travailler légalement. Pire, cette discrimination raciste légitime l’incarcération de personnes ayant commis des délits mineurs, voire simplement, car iels sont considéré·es comme « déviant·es ».

En Belgique, entre 6 000 et 8 500 personnes sont détenues chaque année dans les 6 centres fermés déja existants1. L’Etat belge, qui refuse de leur donner un titre de séjour, préfère investir de l’argent dans la privation de liberté et le contrôle des personnes sans-papiers plutôt que de leur garantir des droits et une vie digne. Dans cette optique, les centres fermés, conçus sur le modèle carcéral, participent à la criminalisation des migrant·es, et légitiment par-là les discours racistes et sécuritaires à leur encontre. Equipés de grillages, de caméras de surveillance et de gardiens, imposant des règles strictes sous peine de sanctions telles que l’isolement cellulaire, les centres fermés sont de véritables prisons.

Par ailleurs, la Régie des batîments (chargé par l’Office des étrangers de la construction du centre fermé) assure sur son site que le projet de centre fermé sera « adapté aux riverains » et suffisamment sécurisé. L’Etat belge démontre ici toute l’hypocrisie de son projet : conçu d’une double clôture de 4 mètres de haut et cernés d’ailes d’encadrement, le centre de retour fermé sera entouré d’une végétation « suffisamment dense » pour éviter toute vue directe pour les voisin.es5. Un dispositif ultra sécurisé donc, mais dont l’Etat souhaite invisibiliser l’inhumanité de celui-ci.

Si jusqu’alors le projet n’avait pas vraiment démarré, c’est notamment du fait de diverses mobilisations organisées par des collectifs locaux, mais aussi par l’opposition du conseil communal face au gouvernement et son projet carcéral. La Ville de Charleroi avait intenté un recours contre le permis de construire déposé en 2019 par l’Office des étrangers, et avait alors gagné l’annulation de celui-ci. Cependant, les temps ont changé : Nicole De Moor est la nouvelle secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration et Paul Magnette (PS), bourgmestre de Charleroi, a retourné sa veste. Dorénavant, il soutient même sa construction et adopte un discours proche de celui de l’extrême droite6.

Plusieurs collectifs appellent donc à la mobilisation de tous·tes pour empêcher la construction du centre fermé de Jumet. Un rassemblement est organisé demain, mercredi 10 avril à 17h30, rue Dr Picard à Jumet, tout près de Charleroi.

Légende :

Centre de départ : Désigne un centre fermé focalisé sur le retour forcé pour les personnes en séjour irrégulier, ayant reçu une obligation de quitter le territoire. Ces centres fermés sont donc créés dans l’objectif d’enfermer à court terme (1 ou 2 jours) afin de procéder le plus rapidement au départ de la personne sans-papiers dans le pays d’exil.

Sources :

1) https://stuut.info/Appel-a-Rassemblement-a-Jumet-le-10-Avril-stop-aux-Centres-Fermes-3504

2) https://www.vrt.be/vrtnws/fr/2022/03/23/quatre-nouveaux-centres-fermes-pour-personnes-en-sejour-irreguli/

3) https://www.rtbf.be/article/un-centre-ferme-de-retour-pour-personnes-en-situation-irreguliere-sera-bientot-construit-a-jumet-10961271

4) https://www.rtl.be/actu/regions/bruxelles/nicole-de-moor-sattaque-aux-dealers-sans-papiers-du-quartier-peterbos-loffice/2024-02-15/article/638299

5) https://www.regiedesbatiments.be/fr/projects/centre-ferme-pour-illegaux

5) https://stuut.info/Centre-ferme-de-Jumet-la-rhetorique-raciste-de-Magnette-pour-justifier-ses-3280