Palestine – La Belgique maintient son financement à l’UNRWA. Israël bombarde l’Agence belge à Gaza

Le vendredi 26 janvier, le gouvernement israélien accusait 12 employé·es de l’UNRWA d’être impliqué·es dans les opérations Déluge d’Al-Aqsa du 7 octobre.¹ À la suite de ces accusations, les Etats-Unis annonçaient suspendre temporairement leur financement à l’UNRWA. 18 pays ont gelé leur financement, parmi lesquels une majorité sont européens.²Ces accusations et gèles de financement sont survenus en parallèle de la prononciation des mesures urgentes de la Cour internationale de justice, qui a reconnu un risque de génocide à Gaza.³

Le 31 janvier, le gouvernement fédéral belge annonçait ne pas suspendre ses financements à l’UNRWA.⁴ En réaction, le 2 février, l’Agence belge de développement et une autre ONG ont été bombardées et détruites par l’armée israélienne.⁵ Le 5 février, un média anglais ayant examiné les allégations israéliennes déclarait qu’il n’y avait aucune évidence quant à l’implication d’employé·es de l’UNRWA dans l’opération du 7 octobre.⁶

L’UNRWA est une office exceptionnelle de l’ONU mise en place en 1949 à la suite de la création de l’Etat colonial, pour prendre en charge les réfugié·es palestinien·nes de la Nakba. La Nakba signifie La Catastrophe, en arabe. Elle désgine le nettoyage éthnique, planifié par des milices sionistes avant l’auto-proclamation d’Israël, de près de 800 000 palestinien·nes de leurs propres terres pour permettre la création sur ces dernières de l’Etat d’Israël.⁷

La Nakba fut marquée par la destruction systématique de plus de 500 villages palestiniens et de nombreux massacres. On estime que 15 000 palestinien·nes ont été tué·es.⁸L’UNRWA est donc une office créée spécifiquement pour les réfugié·es palestinien·nes de la Nakba jusqu’à ce qu’ils et elles puissent bénificier de leur droit de retour sur leurs terres, consacré par l’ONU. Sa mission initialement mandatée pour 2 ans est ainsi sans cesse renouvelée par l’ONU.

Aujourd’hui, un peu moins de 6 millions de palestinien·nes dépendent de l’UNRWA en Palestine et au Proche-Orient, dont plus d’un million à Gaza.⁹ L’UNRWA encadre des infrastructures et des besoins essentiels (éducation, soin, besoins humanitaires) dans 58 camps répartis entre la Palestine (Gaza et Cisjordanie), le Liban, la Jordanie et la Syrie.¹⁰L’ONU a qualifié l’UNRWA de « colonne vertébrale » de la logistique pour l’aide humanitaire à Gaza face à l’agression israélienne et le génocide en cours.¹¹ Si les financements de l’UNRWA ne reprennent pas rapidement, l’agence onusienne devra cesser ses activités en mars 2024.¹²Le gèle des financements de l’UNRWA est dénoncé comme une sanction collective contre les palestinien·nes.

Le 3 février, nous apprenions que la décision du gèle des financements de l’UNRWA avait été prise sans que les accusations israéliennes n’aient été vérifiées par l’administration présidentielle des Etats-Unis.¹³ Tout ceci, alors même qu’il a été démontré que l’Etat israélien utilise fréquemment le mensonge et la désinformation comme outil politique. Les plus récents : des bébés auraient été décapités le 7 octobre, et des infrastructures de la résistance se trouveraient sous et/ou dans les hôpitaux de la bande de Gaza. Un des plus anciens, et slogan historique du mouvement sioniste : une terre sans peuple, pour un peuple sans terre.

Le média Channel 4 News a pu consulter les documents des services intérieurs israéliens, le Shin Bet. Selon le média anglais, le rapport ne donnait aucune évidence ou preuves quant aux allégations prononcées.¹⁴Quand bien même les allégations israéliennes seraient avérées, la participation de 12 employé·es de l’UNRWA aux attaques du 7 octobre, sur les 13 000 travaillant à Gaza, et sur les 30 000 employé·es au total, ne peut justifier la privation d’infrastructures essentielles pour les réfugié·es palestinien·nes.¹⁵

Soulignons le cynisme des Etats occidentaux quant au choix de geler les financements de l’UNRWA sans qu’ils ne disposent d’aucune preuve. Alors que tout semble indiquer que l’Etat israëlien ne respecte pas les mesures urgentes prescrites par la Cour internationale (plusieurs milliers de palestinien·nes ont été tué·es depuis que la décision ait été rendue), il vient également de rejeter un accord de cessez-le-feu avec les factions de la résistance palestinienne et s’apprète à lancer une opération sur Rafah. En bref, c’est une nouvelle affirmation de la solidarité des pays occidentaux à Israël, et son projet génocidaire.

Considérant que l’UNRWA assure une place capitale pour une grande partie de la société palestinienne, arrêter de la financer, c’est s’attaquer aux conditions de vie des réfugié·es palestinien·nes. A Gaza, c’est menacer toute la structure de l’aide humanitaire, déjà largement détruite par Israël, face au génocide en cours.Selon l’UNRWA, 84% des infrastructures médicales ont été détruites ou endommagées par l’armée d’occupation.¹⁶

En Belgique, le gouvernement fédéral a pris davantage de précaution en déclarant maintenir ses financements dans l’attente d’une enquête. Une commission indépendante a d’ailleurs été mise en place par l’ONU pour investiguer les alléguations d’Israël.¹⁷Cette mesure prise par le gouvernement fédéral a cependant fait grincer les dents de la CCOJB, l’Organe de Coordination des Communautés Juives de Belgique, qui a déploré que l’Etat belge maintienne ses financements à l’UNRWA.¹⁸

La CCOJB déclare représenter toutes les communautés juives de Belgique d’une seule voix, et ce, malgré les dissonances politiques. Une quarantaine d’organisations sont représentées par le CCOJB. Toutefois, elle est structurellement proche de l’Etat israélien dont elle soutient la politique, et du mouvement sioniste international. Dans ses missions, après la défense des communautés juives face à l’antisémitisme, l’entretien de la mémoire du génocide des juifs et la lutte contre le négationnisme, la CCOJB conclut par celle-ci « le soutien par tous les moyens appropriés à l’Etat d’Israël, centre spirituel du judaïsme et havre pour les communautés juives menacées.« ¹⁹

La CCOJB est par ailleurs membre du Congrès juif européen et du Congrès juif mondial. Ce dernier, se définit lui-même dans sa charte comme « le bras diplomatique du peuple juif« , entendre par là, celui de l’Etat d’Israël, et parmi ses objectifs premiers, encourageait l’établissement d’un « Foyer national juif en Palestine ».²⁰ Or, de nombreuses personnes juives, d’organisations et de communautés juives en Belgique ne se retrouvent ni dans la politique israélienne, ni dans le sionisme, et refusent l’accaparement des identités juives à des fins coloniales et impérialistes. La prétention du CCOJB à la représentation de toutes les communautés juives, alors qu’il semble être un organe tout à fait partisan et pro-israélien, semble donc contradictoire avec ses intentions.

En réalité, ils’agit d’une stratégie politique du mouvement sioniste qui vise à amalgamer les Juives et Juifs du monde à Israël, et Israël comme représentant des Juifs et Juives du monde. Ainsi, un des résultats produit par cette stratégie est l’assimilation systématique des critiques politiques du sionisme comme idéologie et projet politique, à de l’antisémitisme. De fait, cette assimilation tente d’associer l’ensemble des identités juives à la seule expression de l’idéologie de l’Etat-nation suprématiste juif, le sionisme.

Comme la CCOJB, l’armée d’occupation et l’Etat israélien ont rapidement réagi à la décision de la Belgique de maintenir son financement à l’UNRWA. L’armée israëlienne a ainsi bombardé l’Agence au développement belge et le bâtiment de l’ONG Handicap International à Gaza²¹, commettant un énième crime de guerre.

En réaction, la ministre des Affaires Etrangères, Hadja Lahbib (MR), a pour la première fois convoqué et condamné l’ambassadrice d’Israël afin d’obtenir des explications quant à ces bombardements.²² Rappelons, que l’ambassadrice d’Israël, Idit Rosenzweig-Abu, s’est illustrée par de nombreuses déclarations abjectes et racistes en comparant notamment les enfants palestiniens tués par Israël à Marc Dutroux. Au moment des faits, Hadja Lahbib s’était jusqu’alors refusée à la convoquer à ce sujet.²³

Depuis le 7 octobre et le début de l’agression israélienne, plusieurs pays ont rompu leur relation diplomatique avec Israël.²⁴

Sources :

Sur les 18 pays ayant gelé leur financement https://thecradle.co/articles/why-israels-war-on-unrwa-is-so-sinister

(1) Déclaration d’Israël au sujet de l’UNRWA https://www.unrwa.org/newsroom/official-statements/serious-allegations-against-unrwa-staff-gaza-strip

(2) Sur le nombre de pays ayant gelé leur financement https://www.rtbf.be/article/laide-a-gaza-suspendue-par-plusieurs-pays-entre-israel-et-lagence-onusienne-unrwa-une-longue-inimitie-11320902

(3) La décision de la Cour International de Justice (CIJ) https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/192/192-20240126-ord-01-00-en.pdf

(4) Maintien du financement de la Belgique à l’UNRWA https://www.rtbf.be/article/guerre-israel-gaza-le-gouvernement-federal-maintient-le-financement-de-lunrwa-dans-lattente-dune-enquete-11322024

(5,21) L’Agence belge bombardée en réaction au maintien du financement belge https://www.rtbf.be/article/guerre-israel-gaza-les-bureaux-de-handicap-international-et-de-l-agence-belge-de-developpement-ont-ete-detruits-dans-le-meme-bombardement-11323173

(6, 14) Sur allégations non prouvées d’Israël

https://www.haaretz.com/israel-news/2024-02-07/ty-article/unproven-allegations-u-k-channel-4-slams-israels-charge-against-unrwa/0000018d-837c-d636-adef-cffe76790000

(7,9,10,15) Informations sur le travail de l’UNRWA https://www.unrwa.org/what-we-do#block-menu-block-10
https://www.aljazeera.com/news/2024/2/1/what-is-unrwa-and-why-it-is-important-for-palestinians