23 féminicides en Belgique depuis janvier 2023

   

Alors que l’année 2023 n’est pas encore finie, la page Instagram « Stop Féminicide Belgium » qui lutte pour une médiatisation des féminicides en Belgique décompte déjà 23 victimes à l’échelle nationale. Les féminicides ont un caractère éminemment genré : ils se définissent par le meurtre volontaire d’une femme ou de toute autre personne sexisée par un homme. Les féminicides apparaissent fréquemment dans le cadre de relations intimes et sont difficilement recensés. Si les chiffres s‘élèvent à 23 victimes, ils sont probablement plus nombreux en réalité. 

Au-delà de la violence physique, les violences conjugales comprennent un ensemble de mécanismes de contrôle. L’auteur de violence procède souvent à une violence psychologique, qui consiste à manipuler, humilier, surveiller et/ou isoler la victime afin de maintenir son emprise. La victime se retrouve isolée, sans ressource ni soutien potentiel pour sortir de cette situation. 

En Belgique, en 2014, on estimait qu’une femme sur sept, avait été victime d’au moins un type de violence de la part de leur (ex-)compagnon1. Les chiffres au niveau mondial sont alarmants : parmi les 87 000 femmes tuées en 2017, pas moins de 58% d’entre elles ont été tuées par leur (ex-)partenaire ou un homme de leur famille2. En ce sens, si les hommes cisgenre sont davantage victimes d’homicide, les meurtres commis par un·e (ex-)compagnon·e ou membre de la famille sont deux fois plus récurrents pour les personnes sexisées. Selon l’étude, 64% de femmes sont tué·es par un·e membre de leur famille ou un·e (ex-)partenaire, contre 36% d’hommes2.

Le traitement médiatique des cas de violences conjugales continue à entraver la lutte contre ces dernières. Bien souvent relégués aux faits divers, les récits de violences de (ex-)conjoints à l’encontre de leur (ex-)femme sont tournés au ridicule. Pleine d’euphémisme, voire de romantisation des actes de violences, les couvertures médiatiques conduisent bien souvent à la banalisation, la minimisation et la légitimation de celles-ci. En usant notamment du terme « crime passionnel », les médias perpétuent un ordre établi dans lequel la violence faites aux femmes, entre autres au sein du couple, est considérée comme acceptable3.

Le traitement judiciaire présente également d’innombrables lacunes à ce sujet. En 2018, 70% des plaintes pour violences au sein du couple ont été classées sans suite4. Du commissariat au palais de justice, du dépôt de la plainte à l’obtention de la protection judiciaire; il s’agit d’un réel parcours de combattante pour la victime. Il est alarmant de voir que de nombreuses victimes de féminicides avaient pourtant déjà porté plainte, ou se trouvaient engagées dans un processus judiciaire. Les différentes instances n’ont donc pas su venir en aide à ces femmes en situation d’ultime danger.

Le 29 juin 2023, le Parlement belge a adopté la loi « Stop féminicides ». Ce texte, initié par l’ex secrétaire d’Etat à l’Egalité des genres Sarah Schlitz, est une première en Europe. Il permet désormais de définir juridiquement ce qu’est un féminicide et de caractériser les crimes qui lui sont propre. Cependant, même si la reconnaissance juridique constitue une étape symbolique primordiale dans les démarches judicaires, elle n’empêche pas que le caractère structurel du patriarcat provoque des dynamiques de domination genrée qui doivent être remises en question hors du cadre judiciaire.

Il est alors essentiel de s’attarder davantage aux mécanismes sociaux qui structurent les violences conjugales. Cette approche est indispensable si l’on veut que ces violences soient traitées de manière complète et cohérente. En effet, considérer qu’un problème trouve ses sources dans la société et son fonctionnement permettrait d’envisager un travail profond sur les structures qui régissent notre société patriarcale et les mentalités qui la traversent.

Il est primordial et urgent de comprendre en profondeur la nature des violences conjugales. Pour que plus aucune femme ne meure sous les coups de son conjoint, son mari, son ex-mari. Pour toutes celles qui n’ont pas pu être protégées, pour toutes celles qui n’osent pas parler ou que l’on refuse d’entendre. 

Légende : 

    ¨Personne sexisée : terme qui désigne les personnes ciblées par le sexisme et le patriarcat.

    Cisgenre : personne qui se reconnaît dans le genre qu’on lui a attribué à la naissance.

    Non-Binaire : personne qui ne se reconnaît ni comme strictement femme, ni comme strictement homme.

Sources : 

Image : @collages_feministes_bruxelles

@stopfeminicidebelgium

(1) Amnesty International (2014). Chiffres sur les violences conjugales. https://www.amnesty.be/campagne/droits-femmes/les-violences-conjugales/article/chiffres-violence-conjugale

(2) Nations Unies (2018) https://www.unodc.org/unodc/fr/frontpage/2018/November/le-foyer–lendroit-le-plus-dangereux-pour-les-femmes-o-la-majorit-des-femmes-victimes-dhomicide-dans-le-monde-sont-tues-par-leur-partenaire-ou-leur-famille–selon-une-tude-de-lonudc.html

(3) Organisation des Nations Unies Femmes France (2019). Féminicides : état des lieux de la situation dans le monde. Disponible sur https://www.onufemmes.fr/nos-actualites/2019/11/25/feminicides-etat-des-lieux-de-la -situation-dans-le-monde (Consulté le 20 février 2023).

 (4) RTBF (2018) https://www.rtbf.be/article/violences-conjugales-70-des-plaintes-sont-classees-sans-suite-10078849